Achenmittwoch, mercredi des Cendres, premier jour du Fastenzeit ou carême.

Le mercredi des Cendres ou Achenmittwoch ou  Aschermittwoch suit le Mardi gras, dernier jour de la période festive. Il est le premier jour de carême ou Fastenzeit pour les uns, enterrement du carnaval pour les autres (utilisation des cendres). Dans la religion catholique, le carême commence par l’imposition des cendres sur le front (en signe de pénitence) et se termine le Samedi saint, la veille de Pâques. Durant cette période, les fidèles sont invités à quelques privations (abstinence de viande les vendredi), sauf les dimanches et jours de fête (Saint Joseph et Annonciation). Les Églises réformées n’imposent pas de pratiques de pénitence ou de jeûne.
La date du mercredi des Cendres est donc mobile, en fonction de celle de Pâques. Cette année, il aura lieu le 22 février 2023. Le carême dure quarante jours et prendra fin le 8 avril.
Vous pouvez relire notre article sur le Carnaval en Haute Alsace qui précise également les grandes dates du calendrier liturgique avant Pâques.
Source : Numistral

L’ancienne Alsace à table par Charles Gérard

Me replonger dans cet ouvrage datant de 1877, m’a donné l’occasion d’un peu mieux connaitre l’alimentation, les mœurs et les usages épulaires de l’ancienne province d’Alsace. J’ai relevé certains passages concernant le carême. Cependant, le document entier vaut la peine d’être lu.

D’après Charles Gérard, au neuvième siècle, les chanoines du chapitre de Strasbourg vivaient en communauté. A tour de rôle, chaque chanoine, à l’exception des dignitaires, préparait deux repas par jour : potage, portion de viande, portion de légumes pour le dîner,  portion de viande ou seconde portion de légumes pour le souper, avec pour les jours maigres, une portion de fromage et une portion de légumes pour le diner et parfois du poisson. Le pain était à volonté. Pour les journées de jeûne, on triplait les portions car il y avait un seul repas dans la journée. Chaque chanoine avait droit à trois chopines de vin ou de bière pour le diner et à deux chopines pour le souper. Je vous laisse découvrir, dans les pages suivantes, la liste impressionante des victuailles que l’on fournissait au cuisinier lors des grandes fêtes, ainsi que les agapes lors des banquets des évêques.

Afin de soustraire les clercs de la tentation de bonne chère, l’Eglise leur imposa de manger en commun certains jours de l’année et pendant le carême. Depuis le mercredi des Cendres jusqu’au Jeudi saint, ils se rendaient ensemble au réfectoire après la grand’messe. Plus loin, on note l’abstinence de viande les vendredis et les samedis. Le beurre et le lait furent tolérés, par exemple jusqu’au quatorzième siècle.

Concile d’Angers en 1365 – Classement du beurre et lait en aliments gras
Source : « L’ancienne Alsace à table »  page 271

La volaille a longtemps passé pour un aliment maigre, malgré qu’il y eût « quelque différence entre un goujon et un faisan, et que le coq de bruyère avait un autre goût que le barbeau. »

Un des plats favoris de carême était les faséoles et les pois blancs froids baignant dans une sauce de forte moutarde.

Le Moyen Âge n’a pas manqué d’idées pour mettre sur la table des jours maigres, les poissons de mer, secs, salés ou fumés, les escargots, les crustacés (écrevisses). En 1444, lors de l’invasion des armagnacs, on échangeait même des prisonniers contre du hareng ou un mouton contre du poisson. « Le pâté de morue, bien assaisonné, et relevé d’un hachis d’ognons verts, était une munition de carême estimée ».

J’ai relevé, au fil de ma lecture, certaines coutumes, comme celle de la ville de Schlestadt qui payait un repas à chacun des serviteurs de la commune le deuxième dimanche de Carême (Altfasnacht).

Les documents concernant le mercredi des Cendres et le carême sont nombreux sur Numistral, la bibliothèque numérique patrimoniale du site universitaire alsacien, en voici quelques sources :

A Wintzenheim, « au 16ème siècle, on fêtait au poêle communal le Meistertag , le mercredi des cendres et la Fête Dieu ».

« Le mercredi des cendres est la date que nous retrouvons le plus souvent pour se débarrasser de carnaval… A vieux-Thann, le mercredi des cendres, plusieurs jeunes gens portaient sur une échelle un de leur camarade habillé de paille, et ce plusieurs fois à travers les rues du village. Celui qui était sur l’échelle était un homme qui, la veille Mardi-Gras, s’était fortement enivré et qui était toujours sous l’effet des vapeurs éthyliques (il était dans un autre monde). On se rendait à la proche rivière, la Thur, et – plouf – il se retrouvait dans l’eau froide. Cette coutume cessa en 1885. »

Le mercredi des Cendres, on fête symboliquement la fin de l’hiver et le retour du printemps. On reste chez soi pour ne pas rencontrer de mauvais esprits, on saute par-dessus un escabeau pour que le chanvre pousse mieux…

« Le peuple consommait la soupe de farine alors que notables et magistrats mangeaient des mets à base de farine (Hubmahl, Dinkhofmahl, Meuchenmahl). A Colmar, ces derniers étaient invités à manger dans les couvents et les prieurés… »

Le chapelain, après avoir béni les cendres, faisait le tour de la chapelle en récitant des litanies. En échange, il recevait un boisseau de froment.

Annonce de l’arrivée de l’Empereur Guillaume à Strasbourg

Le jour du mercredi des Cendres, les capucins en Alsace invitaient à dîner tous les ans dans leur couvent, les personnes notables et leur servaient des succulents plats d’escargots.

D’après un bail de 1776, la ferme des Annonciades est louée à Martin Paulus sous certaines conditions. Il est tenu, par exemple de curer et d’entretenir les étangs autour de la ferme et de fournir annuellement aux religieuses au début de carême 60 livres de carpes.

En 1432, les bouchers pouvaient aussi vendre des poissons de mer au temps de carême. Les revendeurs ont dû ensuite restreinte leur vente aux poissons des étangs (wiger wische) en jurant de « servir tous, riches et pauvres, sans distinction, de bien peser, de ne pas vendre des produits mauvais ou gâtés, qu’il s’agisse de poissons, de harengs frais ou secs, d‘œufs ou d’autres choses. »

Il évoque la Frontfastweibchen, petite mère du carême, qui était là pour observer les interdits liés au chanvre et au lin et pour punir en cas de non observation.

Blauer MontagLundi bleu
Fastenzeitcarême
FastnachtCarnaval
GründonnerstagJeudi saint
HalbfastenMi-carême
HerrgottswinkelCoin du Bon Dieu
HungertuchVoile suspendu entre le Chœur et la Nef
KarfreitagVendredi saint
KarwocheSemaine sainte
KrummittwochMittwoch (Grosser-)Mercredi de la semaine sainte
Offrandes

NB : Le Fastenspeisenhiindler, marchand de denrées de carême, figure dans la liste des 50 métiers extraordinaires !

À relire nos articles déjà parus :

Christine L-D., membre du CGA, section Île-de-France

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