Koenigshoffen – première gare de Strasbourg (2)

Second épisode du feuilleton sur l’aventure du rail en Alsace : après Les débuts du chemin de fer en Alsace (1), découvrons l’histoire de Koenigshoffen, première gare de Strasbourg, mise en service le 1er mai 1841.

Mon arrière-grand-père Jacques né à Eckwersheim en 1869, s’installe en 1897 à Koenigshoffen comme employé des chemins de fer. En 1900, il déménage, toujours à Koenigshoffen, dans la maison familiale qu’occupe encore actuellement mon cousin. Jacques terminera sa carrière en tant que chef de train.  
Source : les annuaires d’adresses de Strasbourg (1874-1953)

Un peu d’histoire

Koenigshoffen, située à l’ouest de la ville de Strasbourg, existe depuis le temps des romains. La route des Romains, qui traverse encore ce quartier, servait à rallier le camp légionnaire d’Argentorate à Tres Tabernae (Saverne).

Plusieurs fouilles ont révélé de trésors archéologiques, comme par exemple les vestiges d’un sanctuaire de Mithra, des stèles funéraires, des habitats, des statues, des tuiles C’est pourquoi aujourd’hui, de nombreuses rues de Koenigshoffen portent des noms en corrélation avec le monde romain (par exemple rue Trajan, rue Virgile, rue Constantin…).

Au début du VIIIème siècle, le duc Adalbert d’Alsace, frère de sainte Odile et fondateur de l’abbaye Saint-Étienne et l’abbaye de Honau,  bâtit une villa royale près d’Argentorate qui donnera à la banlieue entière avec ses fermes le nom de Koenigshoffen ou « Cour des rois ».

Dans l’histoire de Strasbourg de Rodolphe Reuss, nous apprenons que la ville demande à Charles IV l’autorisation d’acquérir le village de Koenigshoffen, « l’ancienne villa des rois mérovingiens, restée bien de l’empire et que possédaient alors en fief les trois frères Kurnagel. » Le roi donne son accord par lettre du 25 novembre 1547 pour un montant de trois cent soixante livres pfennig.

Première gare de voyageurs de Strasbourg

La gare de voyageurs a été mise en service le 1er mai 1841. Il s’agissait d’un débarcadère provisoire situé en dehors de la ville, à Koenigshoffen, les autorités militaires n’ayant pas accepté que le chemin de fer pénètre les fortifications. Les voyageurs étaient ensuite très probablement véhiculés par la route des Romains jusqu’au centre-ville par une traction hippomobile. La ligne de chemin de fer Strasbourg-Bâle a été inaugurée en septembre 1841 entre Saint-Louis et Koenigshoffen puis prolongée jusqu’à Bâle en juin 1844.

Un voyage d’essai a eu lieu le 16 avril : première locomotive dans le département qui trainait à sa remorque un wagon et une diligence occupée par les employés de l’entreprise arrive à Koenigshoffen.

Source : BnF –  Le journal des débats politiques et littéraires du 19 avril 1841

Ce premier essai est concluant:

Source : notes et documents de M. P-D Bazaine sur le Chemin de fer de Strasbourg à Bâle

Du 15 août 1841 au 31 mai 1842 la station de Strasbourg-Koenigshoffen délivre des billets à 73 938 voyageurs pour une recette de 280 160,05 francs, auquel s’ajoute 35 481,15 francs pour le service des bagages et marchandises. Cela la classe à la troisième place des stations de la compagnie pour le nombre de voyageurs, à la première pour la recette des voyageurs et à la première pour la recette des bagages et marchandises. »

Source : Wikipédia

Gare de marchandises

La gare de Koenigshoffen sert de gare aux marchandises lors de son remplacement par la gare du Marais-Vert le 11 juillet 1846 (elle sera inaugurée par Napoléon III en 1852). Le train pouvait alors arriver par le nord.

Elle devient alors la desserte des brasseries Gruber, Schneider et Prieur de Koenigshoffen. Elle comportait également un dépôt-relais secondaire.

En 1986, la gare compte deux voies principales, deux voies de service, un faisceau de voies de garage et dessert encore des embranchements particuliers.

Aujourd’hui le poste 1 de Koenigshoffen, situé au point kilométrique 5.1, est toujours actif, il gère la circulation des trains de fret qui contournent la gare de Strasbourg-Ville dans la journée.

L’ancienne gare marchandises de Strasbourg-Koenigshoffen vers 1900
Carnets de ville, document conçu et réalisé par la Direction de l’Urbanisme, de l’aménagement et de l’habitat. Ville de Strasbourg 2013.

La guerre de 1870

Au lieu de la rencontre des deux lignes, du Sud et du Nord, une voie de jonction fermant le triangle, comportait alors le premier dépôt de locomotives au lieu-dit «les Rotondes», repris par un arrêt du nouveau tramway de Strasbourg sensiblement au même endroit et qui emprunte partiellement l’ancienne plate-forme ferroviaire. Les Rotondes furent le théâtre d’une intense bataille aux portes de Strasbourg lors de la guerre de 1870.

La gare de Koenigshoffen a joué un rôle important pendant le siège. Elle était utilisée pour le transport de troupes, de matériel militaire et de provisions pour les défenseurs de la ville.

C’est dans cette gare qu’est signée la capitulation de Strasbourg dans la nuit du 27 au 28 septembre 1870 à deux heures du matin. Les allemands entrèrent dans Strasbourg à onze heures du matin, tandis que la garnison française en sortait par la porte Nationale avec les honneurs.

Sources complémentaires :

Fouilles archéologiques, quelques exemples :

  • Inscription du mithréum de Koenigshoffen, commémorant la réfection d’un relief cultuel, vers 222/3. Traduction de l’inscription : « En l’honneur de la maison divine, pour le dieu invincible Mithra, Caius Celsinius Matutinus, vétéran de la Légion VIII Auguste [Alexan]driana, a repeint à ses frais le relief ». Musée archéologique de Strasbourg
  • Les légions romaines fabriquaient poteries, en particulier des tuiles qui s’exportaient jusque dans le bassin de Neuwied. Source : Société littéraire et scientifique du club vosgien
  • En 1884, des ouvriers découvrent, en creusant un puits à Koenigshoffen, la tombe d’un soldat romain de la deuxième légion qui a stationné à cet endroit entre l’an 9 et l’an 23 de notre ère. Source : « Le rappel du 11 septembre 1884 »
  • Des fouilles menées en 2018 sur le chantier de l’extension du tramway vers Koenigshoffen ont permis de révéler deux stèles funéraires romaines dans un état exceptionnel de conservation. Ces sépultures à crémation, essentiellement matérialisées par des dépôts de récipients en céramique, et quelques tombes-bûchers sont datées entre fin Ier– début IIIème siècles après JC.  Sources : Ministère de la culture (structures funérairesdécouvertes)
  • Fouilles route des Romains avec plans ( vestiges antiques, médiévaux, contemporains) – Antéa-Archéologie

Autres sources :

  • Famine à Koenigshoffen en 1771 – Gazette du commerce du 29 juin 1771 (Source : Retronews)
  • Le journal des patriotes 89 précise que le général Kléber a fait cerner Koenigshoffen qui a ouvert ses portes le 15 Thermidor de l’an IV aux troupes de la République (source Retronews).
  • Les deux cimetières du faubourg ont aussi une importance historique, notamment par les stèles qu’ils abritent : le cimetière de Saint-Gall utilisé lorsque les inhumations intra-muros furent interdites par le magistrat de Strasbourg. Quelques stèles de personnes célèbres sont à découvrir sur place (frères Mathis, David Gruber, Jacques Peirotes, Pierre Pflimlin etc.…) et le cimetière juif crée en 1801 (sépultures de grands notables strasbourgeois du monde de l’industrie, de la médecine, de la musique, du monde militaire ou religieux).
  • Le 22 décembre 1891, l’évêque de Strasbourg achète le domaine des Chartreux et le concède aux Capucins. Déjà, le 27 juin 1892, les deux premiers Capucins venant de Sigolsheim entrent dans le domaine de l’ancienne Chartreuse. La première pierre est posée le 24 avril 1894. En 2016, les frères ont quittés définitivement le couvent.
  • Revue militaire prussienne en 1879 – savez-vous ce qu’est le Stiefelfed (champ de bottes) ? source: BnF – L’Univers 14 septembre 1886.
  • La célèbre chanson populaire : « De Hans im Schnockeloch » – relire le conte «  Le nid aux cousins ». L’action se déroule dans une auberge de Koenigshoffen.

Christine L-D., membre du CGA, section Île-de-France

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