L’Évacuation des Alsaciens et Mosellans en 1939

Entre le 1er et le 3 septembre 1939, plus de 374.000 Alsaciens et 227.000 Mosellans sont évacués vers plusieurs départements du sud-ouest de la France. Avertis par le son du tocsin dans les campagnes, ils ont quarante-huit heures pour tout abandonner et se rendre dans les lieux d’accueil et de regroupement de la population civile, avec 30 kg de bagages par personne et 3 à 5 jours de nourriture. Strasbourg se vide…

Les liens entre les régions évacuées et les terres d’accueil restent encore très forts comme nous avons pu le constater lors de notre présence en septembre dernier au salon généalogique du Périgord noir. En Dordogne, nous avons retrouvé partout des traces de ces Alsaciens qui ont séjourné dans les communes de la région et de ceux qui y sont restés. Nous avons écouté leurs histoires incroyables.

Ma grand-mère, mon père, ses frères ont fait partie des personnes déplacées. Ils sont partis dans un wagon à bestiaux de la gare de Koenigshoffen en direction de Lyon. Le train a ensuite contourné le massif central avant de remonter par le sud à Périgueux. De là, ils ont été dirigés vers Saint-Aulaye en Dordogne. Aucun d’eux n’aimait parler de cette période. Tout ce que je sais, est que ma grand-mère est descendue du train pour chercher à manger… avec ou sans ses enfants ? je l’ignore. Cette période a été difficile à vivre pour mon père alors âgé de dix ans. J’ai rencontré l’année dernière l’ancienne directrice de l’école de la commune, elle a transmis aux archives départementales de la Dordogne les cahiers et les documents scolaires…  J’espère y trouver la trace de mon père et de ses frères. Ils rentrent en Alsace en 1940. Durant cette période, mon grand-père paternel s’était rendu à Meisenthal pour une affectation militaire.
Sur cette période, je n’ai aucun élément concernant ma famille maternelle qui habitait alors Bischheim dans le Bas-Rhin près de Strasbourg.

Déclenchement de la 1ère évacuation

  • 1er septembre 1939 : Les troupes allemandes et slovaques attaquent la Pologne sans déclaration de guerre. La mobilisation générale des forces armées françaises est déclenchée. Elle consiste à mettre l’armée de terre, l’armée de l’air et la marine françaises sur le pied de guerre, y compris le rappel sous les drapeaux de tous les Français mobilisables.
  • 2 septembre 1939 : Le Royaume-Uni et la France adressent un ultimatum commun à l’Allemagne, exigeant des troupes allemandes l’évacuation du territoire polonais dans un délai de douze heures. L’évacuation de la population située dans une « zone rouge » est décrétée par l’État-major français alors que les militaires s’installent dans les fortifications de la ligne Maginot. Pour laisser le champ libre aux troupes militaires, un plan avait été défini dès 1937 afin de protéger les civils, habitant entre la frontière et la ligne Maginot, en les envoyant dans des départements peu peuplés du Sud-Ouest.
  • 3 septembre 1939 : déclaration de guerre de la France à l’Allemagne. Les premières évacuations ont lieu.
Évacuation de l’Alsace et de la Moselle en septembre 1939
Carte Matthieu Hilbert, 2005
Source Canopé

Les Plans d’évacuation « R » et « A »

L’évacuation des populations les plus exposées (résidant à proximité de la frontière) avait été décidée très en amont. Le premier plan d’évacuation (plan « R » de 1937) a été appliqué dès la déclaration de guerre début septembre 1939. Le second plan d’évacuation (plan « A » de décembre 1939) a été partiellement mis en application.

  • Premier plan d’évacuation « R » pour la « zone rouge » (à moins de 8km de la frontière, aussi appelée « zone avant ») : détails prévus en 1937 et appliqués dès la déclaration de guerre le 2 septembre 1939.

« Il est décidé en 1927, parallèlement à la construction de la ligne de fortifications par le ministre André Maginot. Il s’agit d’une zone frontalière où il faut évacuer la population pour ne pas gêner les opérations militaires. La volonté du gouvernement est de protéger. C’est même une obsession, à cause de la perte démographique causée par la Première Guerre mondiale : beaucoup d’hommes jeunes en âge de fonder une famille ont été tués. » 
Source France 3 : interview de Marie-Claire Vitoux, professeure à l’université de Haute-Alsace et spécialiste de cet évènement historique.

Les autorités préfectorales avaient remis dès 1937, à chaque maire concerné, un pli cacheté contenant le plan d’évacuation. Il sera découvert lors de la mobilisation générale (Décret paru au JORF du 02/09/1939 – Gallica). Une note sur la « sauvegarde des populations civiles » avait été envoyée aux préfets dès juillet 1838 précisant les responsabilités juridictionnelles et les itinéraires d’évacuation. C’est le préfet de Metz, Charles Bourrat, qui organise et encadre cette première vague d’évacuation.

Les archives départementales d’Alsace (site de Colmar/Haut-Rhin) nous fournissent de nombreux documents à ce sujet.  « Les populations vivant dans une bande de 8 km le long de la frontière avec le IIIe Reich sont évacuées avec quelques affaires et quelques jours de nourriture. Ces Alsaciens-Lorrains sont transportés dans des wagons à bestiaux sans connaître leur destination. Les noms des gares sont masqués pour ne fournir aucun renseignement aux espions potentiels. »

On peut consulter à titre d’exemple Les consignes en cas d’évacuation de la commune de Balzac (canton de Neuf-Brisac) comprenant les consignes pour le maire, les affiches fournies, alerte par le tocsin, évacuation obligatoire sous 24h sauf pour…, réquisitions, constitution des équipes de sauvegarde, évacuation des fonctionnaires, aviser la population, la rassembler, la regrouper etc. (Voir les extraits ci-dessous)

Exemples d’ affiches et avis placardés :

Il est aussi intéressant de lire « Les évacuations de 1939 en Moselle et en Sarre – Cadres et plans stratégiques pour la prise en charge des populations civiles », document publié par Nicholas J. Williams, sur les préparatifs qui ont été faits de l’autre côté de la frontière et de comparer les modes de fonctionnement des administrations de la Troisième République et du Troisième Reich.

  • Plan d’évacuation prévu pour une seconde zone (en cas de besoin) : détails prévus en décembre 1939. Application partielle.

Dans le cas d’une évacuation de la seconde zone, des plans précis datant du 10 décembre 1939 avaient été envoyés à toute une liste d’organismes. Ils seront mis en exécution par l’envoi d’un télégramme par l’Armée. Les communes concernées seront prévenues par la Gendarmerie avec la remise de plusieurs enveloppes.

Plans d’évacuation prévus pour le Haut-Rhin (décembre 1939) :

Le Plan d’évacuation de la population civile ; livret d’évacuation « A » fournit :

  • la liste de toutes les communes évacuées,
  • les centres de recueil, départements de correspondance et plans locaux,
  • l’organisation matérielle de l’évacuation (logements, matériel, inventaires, préparation pour la récupération, objets du culte, objets d’art, archives),
  • les commissions de sauvegarde (salaires, permissions, la sauvegarde des biens des habitants, liaisons avec les autorités militaires, départ),
  • le transport des évacués (communes vers centres de recueil puis vers trains),
  • les itinéraires de circulation définis pour chaque commune,
  • l’organisation des centres de recueil (nourriture, combustible, logement, chauffage, paille…).

Sont également prévus par le plan d’évacuation « A » :

  • l’évacuation des malades, des établissements hospitaliers, les remises des clés à la police, l’hygiène (vider les maisons des denrées périssables…), l’autorisation de résider dans une zone évacuée, le ravitaillement (scellés sur les magasins d’alimentation),
  • Les plans d’évacuation de Mulhouse, de Colmar, des villages de la 2ème zone, des cantons de Hirsingue, Ferrette et Altkirch (indication de la capacité des centres d’accueil et du nombre de la population),
  • l’organisation et le départ des trains de réfugiés (chaque famille devra avoir une carte de légitimation),
  • les modèles de documents « Autorisation de demeurer en zone évacuée », « Ordre de réquisition individuelle » et « carte de légitimation ».

Plan d’évacuation de la population civile ; livret plan d’évacuation « A », supplément n°1 du Préfet du Haut-Rhin, Jean Agard. Il précise pour chaque additif quels sont les destinataires à informer.

Le livret Plan d’évacuation « A », supplément n°1 concerne : l’avis de réquisition, la préparation de l’évacuation des archives des communes de la 2ème zone, l’évacuation des réfugiés de la 1ère zone se trouvant dans le centre de recueil de Kaysersberg, de celui de Ribeauvillé, l’horaire des trains navettes des zones à évacuer vers les centres de recueil, instructions pour la constitution des convois sur route (automobiles et hippomobile), évacuation scolaire (avec statistiques du nombre des élèves à Mulhouse et Colmar par commune en primaire, secondaire et technique, plan pour ceux qui n’auraient pas pu joindre leur famille), maintien sur place des établissements MIEG, matériel de cuisine, détail de l’évacuation de Mulhouse et de Colmar, réquisition des immeubles, constitution d’un centre de recueil annexe F2 au centre de Sélestat, évacuation des caisses d’Épargne, service sanitaire d’évacuation (postes de secours, organisation hospitalière, personnel médical), répartition des communes de la 2ème zone dans les départements de correspondance comprenant le nombre d’habitants par commune, départ volontaires, trains-navette, organisation du service postal, réquisition du matériel automobile, repliement pour les femmes enceintes de Mulhouse, transport des malades en cas d’évacuation.

Plan d’évacuation de la population civile ; livret d’évacuation « A », Bétail  

Le livret Plan d’évacuation « A », Bétail définit les consignes pour le bétail (repliement, gîtes, organisation locale, convoyeurs, itinéraires des convois, centres d’achat, parcs, fourrage, vétérinaires, bétail destiné aux communes d’hébergement listées, département de correspondance, etc.) pour bovins, chevaux, porcs, chèvres… Suivent différents tableaux récapitulatifs.

La carte ci-dessous expose le « plan d’évacuation 2e temps » pour le Haut-Rhin : à l’est de la ligne rouge, la zone déjà évacuée en septembre 1939, entre la ligne rouge et la ligne bleue, la zone à évacuer, en jaune les centres de recueil provisoires (zones composées de plusieurs communes) permettant l’évacuation vers d’autres départements. Tous les trajets sont prévus entre les villages à évacuer et les centres de départ.

« L’Alsace évacuée » : Plan d’évacuation de la population civile ; carte des routes du Haut-Rhin – cote Archives d’Alsace – Colmar AL/200182b/04. Source : Archives d’Alsace / Colmar
Plan d’évacuation prévu pour le Bas-Rhin :

Les Archives départementales du Bas-Rhin n’ont pas mis en ligne les documents relatifs à l’Evacuation. On peut néanmoins consulter sur place, à Strasbourg, les documents listés dans l’état des sources conservées aux Archives départementales du Bas-Rhin.

L’évacuation des population ayant été prévue dans les moindres détails, on peut trouver pesant l’aspect technocratique… Mais le but de l’opération est avant tout humanitaire. Les lettres de consignes secrètes adressées aux maires des différentes communes concernées stipulent « En tout état de cause votre mission est de sauver d’abord les vies humaines ».

Organisation des opérations

« À partir du 2 septembre 1939, 374 000 Alsaciens répartis dans 181 communes, et 200 000 Mosellans répartis dans 300 communes quittent leur maison avec 30 kg de bagages et 4 jours de vivres, laissant tous leurs autres biens ainsi que leurs animaux sur place. L’Alsace se vide ainsi de près d’un tiers de sa population. En Moselle, l’évacuation couvre 30 % du territoire et concerne 45 % de la population du département. » Source : les expulsés et déplacés – archives départementales du Bas-Rhin

  • Les départements d’accueil
Source : Évacuations d’Alsace vers le sud-ouest
Carte Stéphane Hibou, 2010
Document CRDP d’Alsace
  • Les villes et villages du département du Bas-Rhin sont évacués en Dordogne et Haute-Vienne. Les villes et villages du département du Haut-Rhin sont évacués dans les Landes, le Lot-et-Garonne et le Gers.
  • Les évacués de Moselle sont accueillis dans les départements de la Vienne, de la Charente, de la Charente-Maritime (Charente-Inférieure, à l’époque), et dans une moindre mesure de la Loire, de la Saône-et-Loire et du Pas-de-Calais.
  • La préfecture du Haut-Rhin, la mairie de Strasbourg sont déplacées à Périgueux. L’université de Strasbourg et les magasins de la bibliothèque s’installeront à Clermont-Ferrand.
  • Agen recevra la préfecture ainsi que l’inspection académique du Haut-Rhin
  • La préfecture de la Moselle est repliée à Montauban. Liste des fonds des archives départementales de la Moselle
  • Les communes évacuées
Saisons d’Alsace n°41 : « l’Alsace évacuée » nous fournit la liste des communes évacuées dans le Bas-Rhin et le Haut- Rhin avec les périodes.

Dans chaque commune, chaque maison avait été inventoriée avec un numéro d’ordre. La composition de la famille (nombre d’adultes, d’enfants, de vieillards, d’infirmes, malades…) ainsi que les moyens de transport pour se rendre à la gare de rassemblement étaient connues. La seule chose inconnue : la destination.

  • Acheminement

La SNCF a participé activement à la préparation de la défense, à la construction de la ligne Maginot, puis à l’évacuation de la population et au repli de l’industrie. Les trains de la SNCF avaient été réquisitionnés dès le mois d’août : trains commerciaux, trains de marchandises, wagons à bestiaux. Il est captivant de lire en détail toutes les étapes suivies par la SNCF ainsi que de connaître les chiffres mentionnés (107 gares évacuées, 6000 agents, dépôts et ateliers, matériel roulant déplacés, les nombres de trains et de personnes évacuées…). Puis L’armée détruit les principaux axes de communication (250 ponts dont 109 de chemin de fer, aiguillages et voies détruits…). Source : La SNCF en Alsace et Moselle

Source : situation d’évacuation 1939 – AD Bas-Rhin
La SNCF en Alsace et Moselle
DéptDépartItinérairesDest.Evacués
Bas-RhinStrasbourg et Sud du Bas-Rhin

Wissembourg, Haguenau
Strasbourg-campagne
Saverne
Saint-Dié, Épinal, Dijon, Moulins, Clermont-Ferrand, Limoges.

Nancy, Chaumont, Orléans, Limoges
Dordogne
Indre

Haute-Vienne
110.000
22.500


63.000
Haut-RhinBelfort, Vesoul, Dijon, Nevers, Châteauroux, Limoges, Brive, Cahors, Castelsarrasin, AgenGers
Lot-et-Garonne
Landes
5.000
5.000

28.000
MoselleMetz, Bar-le-Duc, Melun, Chartres, Saumur, Angoulème
Metz, Bar-le-Duc, Melun, Tours, Niort, Saintes.
Vienne
Charente
Charente-maritime
84.000
100.000
11.470
Source : La SNCF en Alsace et Moselle

Evacuation de la ville de Strasbourg et de Schiltigheim, Bischheim et Hoenheim. Source : Wikipédia

  • Qui reste ?

« Strasbourg se vide de ses 190.000 habitants. Le maire Charles Frey reste sur place avec six autres élus, 267 ouvriers municipaux et quatorze notables, dont un huissier. Le personnel municipal est surtout chargé d’assurer le service public et de renforcer les travaux de protection ou de défense passive des monuments et édifices publics. Du fait de l’état de siège, les pouvoirs civils passent sous l’autorité militaire…

Maintenus à Strasbourg ou la sauvegarde dans les villages sont les noms donnés à ces hommes et ces femmes, militaires, pompiers ou civils restés dans les régions évacuées pour protéger les biens des réfugiés et assurer le service public minimal. Ils n’évitent cependant pas les pillages et les déprédations des soldats français. Les militaires aident à la culture des champs et au démontage des usines. Environ 3 500 civils sont restés à Strasbourg ainsi que des détachements militaires. » (CRDP Strasbourg).

  • L’évacuation des malades :

Accueil et vie des réfugiés dans les communes

Au départ, l’intégration est un peu difficile. Afin de protéger la population, les zones d’accueil étaient rurales. Les Alsaciens, venant d’une région riche et florissante, avaient l’habitude d’un certain confort, avec l’électricité, l’eau courante… Ils pouvaient être logés dans des fermes avec des sols en terre, des douches servant aussi de toilettes… Ils parlaient un dialecte ressemblant à l’allemand. Les anciens, français que depuis 20 ans, parlaient mal le français. De nombreux ouvrages et témoignages racontent leurs histoires.

L’exemple de l’accueil des Bas-Rhinois en Dordogne :

  • La Dordogne reçoit les réfugiés du Bas-Rhin : Strasbourg et les villages d’Artolsheim, Bindernheim, Boofzheim, Bootzheim, Daubensand, Diebolsheim, Elsenheim, Friesenheim, Gerstheim, Mackenheim, Marckolsheim, Obenheim, Plobsheim, Rhinau, Richtolsheim, Saasenheim, Schœnau, Schwobsheim et Sundhouse… Ils seront reçus par 498 communes sur les 589 du département.
  • Les réfugiés arrivent en gare de Périgueux. Ils sont accueillis par un comité organisé à l’initiative Mme Gadaud, épouse du maire qui leur apporte réconfort, boissons et nourriture. Sont mobilisés les fonctionnaires, les infirmières, les scouts, les mouvements féminins… Le lendemain, ils sont dirigés vers leur commune d’accueil par train, autocar, tacots. Arrivés dans leur lieu de destination finale, ils sont pris en charge par la commune.
  • Voir l’Affiche d’appel à la population signée par Marcel Jacquier, Préfet de la Dordogne : « que les Alsaciens ne soient en rien suspectés ou maltraités »
  • L’exposition Alsace Dordogne qui a eu à Périgueux en 2009 lors du 70ème anniversaire de l’évacuation, en résume les points essentiels : le voyage, l’accueil, les Alsaciens en Périgord, les hébergements de fortune, les services à la population évacuée, cantines et « popotes », commerces et restaurants alsaciens, péripéties scolaires, naître et mourir en Périgord, l’évacuation et les cultes, le retour en Alsace, un souvenir encore bien vivant. Source : Expo Alsace Dordogne
  • Liste des communes du Bas-Rhin en Dordogne
Vous trouverez ici la liste des communes évacuées du Bas-Rhin, et ici la répartition de la population de Strasbourg avec, pour chacun des documents, les noms des communes de correspondance et les départements.
Listes fournies par les Archives départementales de la Dordogne

Les services d’aide :

  • Le Service central des réfugiés, qui dépendait alors du ministère de l’Intérieur, est rattaché par décret du 3 novembre 1939, à la vice-présidence du Conseil puis fusionne le 22 mars 1940 avec le service des Alsaciens-Lorrains. On peut noter les noms de M. Louvel, R. Schuman et M. Holveck (voir la cote Répertoire numérique de la sous-série F/2 aux Archives nationales de Pierrefitte : Guerre de 1939-1945. Service central des réfugiés et des Alsaciens- Lorrains par Guy Beaujouan et Pierre Cézard).
  • Les circulaires préfectorales. Une circulaire de M le Préfet de la Dordogne n°19 du 29 février 1940 demande aux maires des communes de leur adresser un classement et une évaluation des loyers des logements occupés par les évacués du Bas-Rhin.
  • Exemple de Manaurie en Dordogne : le nombre d’évacués était de 49. Il faut leur fournir des logements, des vêtements, gérer la scolarité des enfants, payer le personnel communal en charge des évacués etc.

Source : Documents fournis par un passionné – AD de la Dordogne

  • Exemple de la Vienne : Si on prend l’exemple de la Vienne, le service des réfugiés, a constitué des dossiers pour gérer les versements périodiques des allocations des réfugiés. Ils peuvent contenir un « questionnaire A » qui récapitule les informations relatives à la composition et aux ressources de la famille, validées par le chef de famille et les maires (de la commune d’accueil et de la commune d’origine). Ce formulaire peut être bilingue (français / allemand) et peut contenir des lettres de réfugiés exposant leur situation, certificats médicaux justifiant d’une impossibilité de travailler, etc. (Notice complète des réfugiés de la Vienne). Des dossiers similaires peuvent être consultés dans les autres départements du Sud-ouest.
  • En Charente

La presse :

Pusieurs journaux bilingues sont destinés aux évacués. À partir de 1940, les machines, rue de la Nuée Bleue, des Dernières Nouvelles d’Alsace sont réquisitionnées par les allemands. Jusqu’en juin 1940, des journalistes des DNA publient à Bordeaux le Journal des Réfugiés, rapidement condamné par le gouvernement de Vichy. Parait alors, depuis Montpellier, L’Écho des réfugiés, organe d’entraide des Alsaciens et Lorrains. On y trouve des annonces sur les recherches de familles, des propositions d’emplois, des informations sur la situation militaire, sur les aides etc.

Les évacués, les exilés et les expulsés

Les départs volontaires en 1939 :

Les évacués d’office en 1939 ne sont pas les seuls Alsaciens et Mosellans à partir : bon nombre d’entre eux ont décidé de quitter leur région de leur propre choix, ou par urgence vitale, notamment les familles juives se sentant menacées par la montée du nazisme outre Rhin dans les années 1930. « Les deux tiers de la population juive d’Alsace sont évacués (17 800 personnes sur une population estimée à 25 000). 4.000 Juifs alsaciens partiront encore par leurs propres moyens entre octobre 1939 et mai 1940. »

Les départs consécutifs à l’annexion de l’Alsace et de la Moselle en mai 1940 :

Le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie déclenche le « Plan jaune » : invasion de la Belgique, de la France, du Luxembourg et des Pays-Bas. L’Alsace et la Moselle sont envahis et annexés sans discussions ; les anciennes frontières du Reichsland d’Alsace-Lorraine sont rétablies le 25 juillet 1940 ; les Alsaciens et Mosellans sont de facto allemands.

  • « 33 000 Alsaciens supplémentaires sont évacués dans la précipitation entre mai et juin 1940. »
  • « Une seconde vague d’évacuation se produit aussi en Moselle, celle de la zone arrière de la ligne Maginot : 92 000 Mosellans sont concernés. »
  • « Aux évacués s’ajoutent les personnes jugées indésirables et expulsées par les nazis entre juin et octobre 1940. » [NB : Juifs, francophiles, handicapés, fonctionnaires…].

Source : les expulsés et déplacés – archives départementales du Bas-Rhin

À partir de l’été 1940, les autorités nazies décident d’expulser de la Moselle annexée tous les habitants considérés comme hostiles au régime ou non assimilables. Entre juillet et novembre 1940, environ un cinquième de la population mosellane résiduelle est expulsé. Les départs se poursuivent jusqu’en janvier 1943 et concernent au total près de 100 000 personnes.
Les services de la préfecture de la Moselle, repliée à Montauban à partir de 1940, collaborent avec les services administratifs des départements d’accueil pour coordonner au mieux les mouvements de population et l’assistance à porter aux Mosellans évacués et expulsés….

Source :  archives départementales de la Moselle

Au total, ce sont plus de 410 000 Alsaciens et 376 000 Mosellans qui ont été évacués ou expulsés entre 1939 et 1940 du fait de la guerre.

Retour des réfugiés… ou pas

  • Les Alsaciens réfugiés en Dordogne sont invités à rejoindre leur foyer dès le 13 juillet 1940, par le gauleiter Wagner, à grand renfort de propagande. Le même jour, il décrète l’interdiction du retour en Alsace, des Alsaciens francophiles et des juifs.
  • Avant le départ d’Alsace, chacune des familles avait dû récupérer ses cartes de réfugiés (nom, prénom, date de naissance, adresse). Pour leur retour, elle devait être en possession d’une carte de rapatriement (ascendance, religion, langue, métier, afin d’éviter le retour des juifs, francophiles et fonctionnaires) et pour ceux dont le déplacement ne se faisait pas en train, d’un laissez-passer.
Retour des réfugiés en gare de Strasbourg
Nombreuses images de Strasbourg
Source : matériel terrestre 39/45
  • Le 15 juillet 1940 que les Allemands informent la SNCF qu’ils exploitent désormais eux-mêmes les lignes d’Alsace et de Lorraine. En 1940, 408.000 réfugiés furent rapatriés comme suit : de fin juillet à début octobre, 228 000 personnes, avec des trains spéciaux de rapatriement, à partir de novembre, 20 000 personnes par des liaisons ferroviaires régulières, le restant de la population a emprunté les cars, voitures particulières, camions et autres moyens divers de rapatriement.
  • Dès le 20 octobre 1940, la presse alsacienne annonçait le retour de 300 000 évacués. Et, le 15 janvier 1941, 134 800 Strasbourgeois sont rentrés. Charles Bourrat est chargé d’assurer l’administration des évacués non rentrés et des expulsés Alsaciens-Mosellans répartis dans les départements de zone libre. Il s’installe avec ses services à Montauban, d’où il pilote notamment la réalisation d’un fichier recensant les réfugiés. À la fin de la guerre, ces derniers pourront enfin regagner leur domicile et bénéficieront, notamment pour les victimes de spoliations, d’allocations destinées à faciliter leur réinstallation.
  • Le « fichier Bourrat », du nom du préfet de la Moselle qui l’a mis en place à partir de l’automne 1940, et qui recense les réfugiés Alsaciens-Mosellans, c’est-à-dire les personnes non rentrées ou expulsées par les Allemands, est conservé aux Archives départementales du Bas-Rhin (20 000 fiches environ) et du Haut-Rhin (20 000 fiches environ également). Il est en revanche en déficit aux Archives départementales de la Moselle, qui a pourtant fourni l’essentiel du contingent des évacués non rentrés et des expulsés.

On estime à environ 300 000 le nombre des évacués non rentrés et des expulsés pour l’Alsace-Moselle, dont 50 000 à 75 000 Alsaciens.

AD du Bas-Rhin : Les évacués et les expulsés de la Seconde Guerre mondiale

Les chemins du souvenir

  • Perigueux et Agen

Nous vous conseillons de visiter Périgueux en consultant la plaquette des chemins de mémoire et les lieux de mémoire à Agen et dans le Lot-et-Garonne, fichiers pdf à télécharger.

  • Le maquis de Durestal

Il est l’un des plus célèbres en Dordogne. Il a servi de base de départ à la future brigade Alsace-Lorraine qui a contribué à libérer le territoire en combattant jusqu’en Allemagne. C’est le « colonel Berger », alias André Malraux, qui en avait pris le commandement. On peut écouter le témoignage de Jean-Paul Seret-Mangold.

  • La Résistance dans le Lot-et-Garonne

Le document La participation des Alsaciens-Lorrains à la Résistance départementale, nous résume l’histoire et les actions des groupes qui ont été créés, les maquis dont celui d’Ambrus,

Et après !

  • Parutions au journal officiel
  • Indemnisation

Après la guerre, les évacués et expulsés d’Alsace-Moselle obtiennent en 1973 le statut de PRAF (Patriotes réfractaires à l’annexion de fait des départements du Rhin et de la Moselle). Le nombre total de PRAF est évalué à 430 000 personnes et permet d’obtenir la qualité de ressortissants de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) et de bénéficier des aides, morale et financière, dispensées par cet établissement public.

  • Les jumelages
Algolsheim (HR)Cancon (Lot-et-Garonne)
Artolsheim (BR)Carsac-Aillac (Dordogne)
Boofzheim (BR)Saint-Aubin-de-Cadelech (Dordogne)
Bootzheim (BR)Plazac (Dordogne)
Fortsfeld (BR)Condat-sur-Vienne (Haute-Vienne)
Mackenheim (BR)Saint-Cyprien (Dordogne)
Marckolsheim (BR)Le Bugue (Dordogne)
Obenheim (BR)Cadouin, Molières et Alles-sur-Dordogne (Dordogne)
Obersaasheim (HR)Romestaing et Guérin (Lot et Garonne)
Ottrott (BR) Saussignac (Dordogne)
Rémilly (Moselle)Tourtoirac (Dordogne)
Rhinau (BR)Beaumont-du-Périgord (Dordogne)
Romanswiller (BR)Saint-Front-de-Pradoux (Dordogne)
Saasenheim (BR)Salignac-Eyvigues et Cazoulès (Dordogne)
Strasbourg (BR)Périgueux (Dordogne) 
Sundhouse (BR)Beynac-et-Cazenac (Dordogne)
Vigy (Moselle)Mussidan (Dordogne)
Wintzenheim (HR)Pont-du-Casse (Lot-et-Garonne)
Wissembourg (BR)Le Dorat (Haute-Vienne)

Nous remercions tout particulièrement :
Les archives départementales de la Dordogne qui nous ont fourni, en avant-première, les listes des communes évacuées du Bas-Rhin (y compris Strasbourg) avec leurs communes de correspondance. Ils préparent actuellement une exposition numérique sur l’évacuation des Alsaciens vers le département de la Dordogne en 1939 qui sera mise en ligne prochainement sur leur site.
Le Pôle Mémoire et Archives de la ville d’Agen,
Les Offices de Tourisme de Sainte-Alvère et Périgueux,
Et tous les passionnés avec qui nous avons échangé et qui nous ont communiqué de précieuses informations.

Sources

Articles de Généalogie Alsace :

Publications :

  • Tranches de vies en Périgord 1939/1940/… par Claudine Ober. (rencontre improbable entre les habitants de Marckolsheim et de ceux de Bugue) et nous retrace la vie quotidienne des évacués depuis leur départ d’Alsace. L’auteur nous liste les noms, prénoms et date des naissances des personnes évacuées à Saint Cirq, Campagne-La Vergnolle, Carlux, Saint Avit de Vialard, Fleurac, Journiac, Le Bugue, Audrix et Saint Chamassy, Mauzens-Miremont, Manaurie et celle de cux quis son restés.
  • D’Alsace en Périgord – Histoire de l’évacuation par Catherine et François Schunck (Le récit est fondé prioritairement sur le dépouillement de l’Argus du Périgord et sur des témoignages oraux d’une cinquantaine de témoins, et sur les extraits d’ouvrages de souvenirs … )
  • Pour le Lot-et-Garonne : Revue Hors-série d’Ancrage : Alsaciens – L’exode interieur avec un DVD de témoignages. (voir le sommaire).

Témoignages :

Les publications du service Ville d’art et d’histoire de Périgueux :

Christine L-D membre de la section Île-de-France du CGA

À vous qui êtes si loin d’Alsace !

Extrait de l’article « Was Your Ancestor an Internal Refugee in France ? » sur The French Genealogy Blog, par Anne Morddel (25 June 2023) :

« Comment rechercher un ancêtre qui a été un tel réfugié ? Tout d’abord, lisez le superbe instrument de recherche des Archives départementales du Bas-Rhin, qui répertorie toutes les séries d’archives concernant le sujet dans le département. Ensuite, si vous connaissez la ville où votre ancêtre a été envoyé, vérifiez le recensement de 1946. Même si la guerre était terminée, il a fallu du temps pour que les gens reviennent en Alsace après la guerre (et certains ont choisi de ne pas le faire), il y a donc de bonnes chances de les trouver dans ce recensement. Pour ceux qui apparaissent dans le recensement de 1946, le lieu de naissance, en Alsace, sera indiqué. Cela vous permettra d’effectuer des recherches dans les registres d’avant-guerre de cette ville. Les personnes qui se sont mariées avec des habitants de la région seront également indiquées, ce qui vous permettra de demander l’inscription au registre des mariages auprès de la mairie. »

Traduit avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

À vous qui êtes si loin d’Alsace !
Nous allons publier durant tout le mois de novembre 26 articles envoyés par nos lecteurs qui nous racontent les histoires incroyables de leurs ancêtres qui ont quitté l’Alsace.
Nous publierons ensuite, au fur et à mesure, tous les autres textes que nous aurons reçus… mais nous n’avons pour l’instant pas encore de récits d’évacués !
Nous souhaitons connaître et partager les récits de ceux qui sont partis lors de l’évacuation en 1939… sont-il revenus… sont-ils restés ?
À vos plumes !

6 commentaires

  1. Bonjour, Je tenais à vous remercier toutes et tous pour cet énorme travail de recherches et d’informations concernant l’Evacuation des Alsaciens-Lorrains en 1940. Pour y travailler à titre personnel (grands-parents évacués), j’y ai encore découvert des informations que je n’avais pas et qui vont me fournir de nouvelles pistes d’études. Merci et toutes mes félicitations, je quantifie la somme d’investissement de votre part et les heures passées à rendre accessible à tout à chacun un tel travail de mémoire. Bien à vous, Pascale WEIL

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    1. Nous vous remercions infiniment Pascale pour votre message de soutien, de reconnaissance et d’encouragement qui nous a touché. De nombreux alsaciens ont quitté cette belle région et recherchent leurs origines, nous tâchons au mieux de les aider en partageant avec eux nos connaissances acquises au fil du temps.
      Nous voulons également que ce site soit participatif et qu’il soit un lieu d’échanges. Nous allons publier, durant chaque jour du mois de novembre, les témoignages d’immigration des ancêtres de nos lecteurs qui sont si loin de l’Alsace ! Alors, si vous voulez partager vos recherches concernant l’évacuation de vos grands-parents nous pouvons publier leur histoire avec grand plaisir.
      Bien cordialement
      Christine et Laure

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  2. Bonsoir, merci pour ce bel article bien fourni et très intéressant. J’ai appris ce déplacement de population il y a seulement quelques années, je ne sais pas si ma famille a quitté l’Alsace, mes grands-parents et mon père, bébé, vivaient à Strasbourg mais plus personne en vie pour en parler… la soeur de mon père, née après guerre, ne sait plus si on lui en a parlé ou pas… Mais dans tous les cas c’est bien de connaitre ce passé, un grand merci à vous pour ce partage, Véronique

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  3. J’adhère totalement au commentaire de Pascale ! Clarté et tant d’informations pour une période si traumatisante que nous en avons très peu su dans bon nombre de familles !
    Ma maman et ses parents sont partis d’Illkirch pour Périgueux et les quand? Comment? n’ont guère de réponses.
    Un grand merci à mes amies du CGA-IDF
    Irene

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  4. J’ai trouvé par hasard, le journal « l’écho des réfugiés : organe d’entr’aide des Alsaciens et des Lorrains », 1er n° le 2/03/1941 jusqu’au 30/121942 pour le 1er volume, hebdomadaire : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k948704p/f11.item , siège à Montpellier.

    Le 2nd volume, non numérisé, va jusqu’au 10/10/1943, imprimé 3 fois par mois. Info BNF https://data.bnf.fr/fr/32761786/l_echo_des_refugies/

    Marie-Odile

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