De la description physique à la photographie : le portrait de nos ancêtres soldats dans les archives municipales

Conférence de Claude COLAS, chef des archives municipales de Boulogne-Billancourt, le 27 septembre 2023, organisée par le Cercle généalogique de Boulogne-Billancourt, dans le cadre de la semaine de la généalogie de la FFG, sur le thème des archives militaires.

Tous les généalogistes sont à la recherche d’une représentation physique de leurs ancêtres, d’un portrait qui concourt à resserrer les liens affectifs, à rapprocher les générations. Au-delà des sources généralement connues, accessibles aux archives départementales (fiches matricules notamment), cette conférence vise à explorer les fonds des archives municipales, souvent méconnus. Elle présente également le site internet « Un nom, un homme » édité par les archives municipales de Boulogne-Billancourt.

De la description physique à la photographie : le portrait de nos ancêtres soldats dans les archives municipales, par Claude COLAS.

L’aspect le moins accessible de la généalogie est la description physique de nos ancêtres.

1. Importance de la description physique :
  • Pour mettre un nom sur des photographies non identifiées (par exemple les nombreuses cartes postales militaires éditées pendant la Première Guerre mondiale). On peut déjà faire un début d’identification grâce aux indices de la photo : uniforme, numéro de régiment, grade.
  • Lorsqu’on n’a pas de photo du tout (avant 1820 – La photographie ne s’est démocratisée qu’à la fin du XIXe siècle) donc une absence totale de représentation.

NB : Les documents qui donnent accès à une représentation physique dans le cadre militaire se limitent au genre masculin.

2. Sources à disposition dans la série H (affaires militaires) des archives municipales :

A. Le recensement militaire : recensement fait l’année des 20 ans des garçons pour le service militaire.

  • Loi Jourdan du 5 septembre 1798 : conscription et service militaire obligatoire pour les jeunes français de 20 à 25 ans.
  • Loi du 3 décembre 1803 : tirage au sort avec possibilité de remplacement
  • 1872 : service militaire universel avec tirage au sort pour la durée
  • 21 mars 1905 : service national obligatoire pour tous les jeunes gens
  • 28 octobre 1997 : suppression de la conscription

Le recensement donne des informations sur les recensés, de précision variable (plus d’infos dans les recensements anciens) : état civil, aspect physique, taille, marques particulières, degré d’instruction, talents (sport, nage, équitation, vélo, conduite automobile, musique). Il indique aussi les motifs d’exemption. Il permet de dresser un portrait physique mais aussi un début de portrait psychologique. Il est complèté par le registre matricule (disponible aux AD, série R).

B. Les actes nominatifs d’engagement volontaire

Les engagés volontaires qui devancent l’engagement obligatoire, entre 1911 et 1918, font l’objet de listes matricules séparées (le volontaire se présente en mairie).

C. Les dossiers de pension de guerre

On y trouve souvent une photo de l’ayant droit. Les livrets de pension eux-mêmes sont souvent dans les archives familiales.

NB : Limites de communicabilité : informations à caractère médical (120 après la naissance ou 25 ans après le décès), informations à caractère privé (50 ans), informations à caractère judiciaire (75 ans). Dérogations pour les dossiers de la Première Guerre mondiale (décret de 2012 : les registres matricules 1912 à 1921 sont librement communicables), pour la consultation des fonds d’archives publics (préfectures, police, renseignements généraux) de la Seconde Guerre mondiale (décret de 2002) et les fonds de Vichy ouverts aux chercheurs depuis 2015.

D. Les archives personnelles parfois conservées aux archives municipales

Les familles déposent parfois les documents en leur possession aux archives municipales. Il peut s’agir de :

  • Documents témoignages de la Première Guerre mondiale entrés dans les collections à l’occasion de la grande collecte 2014-2018.
  • Photos de la Seconde Guerre mondiale, notamment de la Libération de Boulogne-Billancourt.
  • Cartes d’invalidité (les premières datent de 1915 ; avec photo ; pas de double)
  • Cartes du combattant (les premières datent de 1926 ; avec photo ; pas de double)
  • Livret militaire : livret individuel. On y retrouve les mêmes informations que sur le registre matricule, dont un signalement avec des indications plus ou moins précises.

E. La presse nationale et locale

  • Le journal L’Illustration est très riche en iconographie. Il a notamment publié le Tableau d’honneur de la Grande Guerre  (portraits des plus héroïques soldats de la Première Guerremondiale)
  • Journal municipal : photos de cérémonies, hommages aux combattants… « Consultez la presse ancienne boulonnaise en ligne »
Le Tableau d’honneur de la Grande Guerre de L’Illustration (1915-1919)
Le Tableau d’honneur de la Grande Guerre de L’Illustration recense les portraits de 16 486 officiers, sous-officiers, soldats et infirmières, cités à l’Ordre de l’Armée, nommés ou promus dans l’ordre de la Légion d’honneur ou décorés de la médaille militaire lors de la Première Guerre mondiale.
Ces portraits paraissent dans le journal
l’Illustration, entre 1915 et 1919, d’abord sous forme de fascicules de 4 planches joints au numéro hebdomadaire, de la planche 1 à la planche 416. Puis sous forme de fascicules de 16 planches publiés mensuellement et séparément du numéro hebdomadaire,  jusqu’à la planche 658. L’auteur de ces tableaux d’honneur est Louis Baschet.
Source : Wikipédia

NB : D’autres sources documentaires sont disponibles au SHD (Service Historique de la Défense). Une autre source à ne pas négliger : dans les cimetières, les pierres tombales comportent parfois des photographies.

3. L’exemple de Boulogne-Billancourt : le site « Un nom, un homme »

Exemple d’utilisation des sources, le site « Un nom, un homme » a été mis en ligne par les archives municipales de Boulogne-Billancourt dans le cadre d’un travail de recensement des Boulonnais morts pendant  la Première Guerre mondiale.

« Un nom, un homme : les Boulonnais morts pour la France lors de la Première Guerre mondiale »

En l’absence d’un dénombrement fiable, le monument aux morts de Boulogne-Billancourt (par le sculpteur boulonnais Paul Landowski) n’indique pas la liste des soldats morts mais seulement une épitaphe générale « À ceux qui sont morts pour nous ».

Un important travail de reconstitution dans les recensements militaires, les documents d’archives et les tombes a permis de dresser une liste de 1982 noms, chaque soldat ayant sa fiche détaillée, si possible avec photo. Le site est un wiki (site web collaboratif) ; il peut donc être enrichi par les internautes qui détiendraient des informations complémentaires sur les personnes nommées.

Vidéo YouTube de la conférence : SDLG10A-De la description physique à la photographie : le portrait de nos ancêtres soldats

Questions/réponses à l’issue de la conférence :

  • Les documents qui permettent de donner un portrait de nos ancêtres sont vecteurs d’informations mais aussi vecteurs d’émotion.
  • La Revue Française de Généalogie a consacré plusieurs numéros au sujet : « Le portrait de nos ancêtres dans les archives » et « Le physique de nos ancêtres dans les archives » (août-septembre 2023)
  • Livre aux éditions Archives & Culture : Écrire l’histoire d’un combattant
  • Piste complémentaire : les archives du ministère de la Justice
  • Les cartes du combattant sont parfois détenues par le SHD (centre de Caen) ou les AD.
  • Exposition virtuelle 1870 sur le site de Boulogne-Billancourt, complément à la vidéo de « Mémoire des hommes » : « Boulogne-Billancourt en 1870-71 – Les Boulonnais pendant le Siège de Paris et la Commune »
  • Exposition virtuelle « Parcours mémoriel Seconde Guerre mondiale – L’empreinte de la Seconde Guerre mondiale à Boulogne-Billancourt »
  • Les archives s’ouvrent progressivement par décrets (mais l’accès aux archives ne signifie pas forcément un accès en ligne).
  • Les archives familiales peuvent être confiées aux archives municipales, en dépôt physique ou seulement pour une numérisation (les familles sont fortement incitées à le faire !)

Merci au Cercle généalogique de Boulogne-Billancourt pour l’organisation de cette conférence !

Notes de conférence : Laure MESTRE

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