Parcours de vie de René Schweyer (2) : carrière dans les chemins de fer

Christophe SCHWEYER retrace le riche parcours de vie de son grand-père René SCHWEYER, né et mort à Mulhouse (1892-1966), prisonnier des Russes pendant la Grande Guerre, puis employé des Chemins de fer de l’Est et résistant. Au-delà de l’hommage de l’auteur à son aïeul, ce récit est particulièrement intéressant par l’abondance des archives familiales qui l’illustrent. Le lecteur y trouvera une invitation à rechercher pour sa propre généalogie des documents d’archives souvent négligés.
Le récit vous est présenté sur le blog « Généalogie Alsace » en 4 épisodes :
Parcours de vie de René Schweyer (1) :
I. Contexte familial
II. Ancien combattant de la guerre 14-18
III. Vie familiale
Parcours de vie de René Schweyer (2) :
IV. Sa carrière au sein des chemins de fer
Parcours de vie de René Schweyer (3) :
V. L’activité dans la Résistance et le réseau Béarn
Parcours de vie de René Schweyer (4) :
VI. La carrière professionnelle après la guerre
VII. Distinctions et décorations reçues par René SCHWEYER

IV. Sa carrière au sein des chemins de fer

A. Les mobilités professionnelles et géographiques

Au cours de sa carrière professionnelle, René SCHWEYER a effectué 18 mobilités professionnelles en changeant à chaque fois de lieu géographique de résidence et en ayant à chaque fois une promotion sur des métiers différents ou des niveaux de responsabilité différents : aiguilleur (agent chargé de la manœuvre d’un appareil d’aiguillage de voie ferrée), facteur (agent autrefois chargé, dans les gares, de la manutention et des écritures simples), facteur enregistrant (agent autrefois chargé, dans une gare de faible importance, du service d’enregistrement, des recettes, et même parfois de l’ensemble du service), chef de gare (10 postes de sous-chef de gare à chef de gare principal de 1ère classe).
René SCHWEYER a progressé tout au long de sa carrière : il a su prendre et assumer des responsabilités de plus en plus importantes au fil des années. Indiscutablement, il était volontaire, a su faire preuve d’adaptabilité et su saisir les opportunités. Il aura habité 12 lieux géographiques différents, en revenant plusieurs fois sur certains lieux au fur et à mesure de l’avancement de sa carrière. Les déménagements furent nombreux.
Pendant la guerre de 1939 à 1945, René SCHWEYER a subi deux sinistres qui ont détruit son habitation et ses biens (occupation ennemie et bombardements) et il a fait partie de la Résistance tout en continuant à travailler. (voir chapitres suivants).

B. Actions notables dans son métier

Le 06 mai 1930, René SCHWEYER prêtera serment auprès du tribunal de Thann (68) ; il sera désormais assermenté.

4-P72-SCHWEYER René-Prestation de serment Tribunal de Thann – 06 mai 1930

Il recevra plusieurs lettres de félicitations de la part de sa hiérarchie et de la SNCF :

  • Le 21 juin 1933 à Richwiller (68) : lettre de félicitations pour extinction d’un incendie.
  • Le 31 août 1933 à Richwiller (68) : lettre de félicitations pour maîtrise d’un incendie déclaré dans un wagon chargé de chlorure.
  • Le 04 mai 1934 à Richwiller (68) : lettre de félicitations pour extinction d’un incendie.
  • Le 27 novembre 1946 : lettre de félicitations pour remise en état des locaux de la gare de Mulhouse-Nord (68).
  • Le 07 octobre 1959 : lettre de félicitations de la SNCF pour, en tant que passager qui « n’a pas perdu les bons réflexes du bon cheminot », avoir fait stopper un train rapide dont les freins d’un wagon étaient défectueux.
4-P48-SCHWEYER René-Remerciements pour éviter accident train-07 oct 1959
C. La vie professionnelle pendant la guerre 1939-1945

En septembre 1939, René SCHWEYER est en poste à Béning (aujourd’hui Béning-lès-Saint-Avold 57) où il est chef de gare de 2ème Classe et habite le bâtiment principal de la gare avec sa famille.

René SCHWEYER, âgé de 47 ans, ne sera pas mobilisé. Tout d’abord en raison de son âge, et ensuite du fait de sa profession (cheminot chef de gare). Le pays en a besoin pour faire fonctionner les chemins de fer : transports de troupes et du ravitaillement, et pour assurer la bonne marche de l’économie du pays (transport des personnes et des marchandises).

Le 2 septembre 1939, lendemain de l’attaque allemande contre la Pologne, la France décrète l’évacuation des populations civiles et des biens industriels proches de la frontière avec l’Allemagne vers le Sud-ouest. (voir l’article L’évacuation des Alsaciens et Mosellans en 1939). La SNCF a participé activement à la préparation de la défense, à la construction de la ligne Maginot, puis à l’évacuation de la population et au repli de l’industrie. Les trains de la SNCF avaient été réquisitionnés dès le mois d’août 1939. Les premières évacuations ont lieu dès le 3 septembre.

Le 3 septembre 1939, la famille de René SCHWEYER abandonne mobilier et affaires personnelles. Mais, René SCHWEYER, en tant qu’agent de la SNCF, ne sera pas évacué dans le Sud-Ouest. Il occupera ensuite différents postes toujours dans le Grand-Est : à Metz (57), à Saint-Louis (68), à Romilly-sur-Seine (10), avant d’être nommé à Culmont-Chalindrey (52) en janvier 1942. Sa femme et ses enfants le suivront dans ses mobilités successives.

La famille de René SCHWEYER (sa femme et ses 5 enfants) doit quitter leur domicile situé dans la gare de Béning (57)
  1. Un premier sinistre à son domicile : Béning (57)

La gare de Béning (57), dont le logement familial de René SCHWEYER, est occupée par le 5ème régiment du génie dès septembre 1939. René SCHWEYER reviendra y récupérer fin octobre 1939 quelques affaires et petits meubles avec l’autorisation du 5ème génie et « avec l’aide de quelques dévoués cheminots ».

Le 10 mai 1940, l’Allemagne nazie déclenche le « Plan jaune » : invasion de la Belgique, de la France, du Luxembourg et des Pays-Bas. L’Alsace et la Moselle sont envahies et annexés sans discussions par l’Allemagne ; les Alsaciens et Mosellans sont de facto allemands. Quatre années de souffrance pour les populations bombardées, opprimées, expulsées, incorporées de force dans l’armée allemande.  

Les Allemands occuperont la gare de Béning (57) dès juin 1940. La gare et certaines maisons privées seront détruites lors des bombardements du 11 novembre 1944. La commune Béning sera libérée le 28 novembre 1944.

René SCHWEYER ne retrouvera jamais rien de son mobilier malgré des recherches immédiatement après la guerre. Afin d’obtenir une indemnisation, il déposera le 13 novembre 1946 un dossier de spoliation auprès de l’Office des biens et intérêts privés. Le prorata de destruction sera évalué à 70%.  Après deux règlements provisoires, l’évaluation définitive d’indemnité sera notifiée le 27 décembre 1956, soit 10 ans après le dépôt du dossier de demande d’indemnisation et 16 ans après les faits.  À noter, dans le calcul de l’indemnité forfaitaire versée à René SCHWEYER, la valeur des francs de 1939 est multipliée par 20 pour obtenir la valeur des francs de l’après-guerre. Mais il s’agit d’une très faible réévaluation par rapport aux dévaluations subies par le franc depuis 1939 :

  • Dévaluation du 26 décembre 1945 (franc Pleven) : la dévaluation est de 60 % par rapport au dernier cours de 1940.
  • Dévaluation du 20 janvier 1948 (franc Mayer) : la dévaluation se monte à 80 % par rapport au dernier cours de 1940.
  • Dévaluation du 20 septembre 1949 (franc Queuille) : dévaluation de 22,27% par le gouvernement d’Henri Queuille.
4-P110-SCHWEYER René-Carte réfugié 1940-1945-Recto
  1. Deuxième sinistre au domicile de René SCHWEYER :
    Le bombardement de la gare de Culmont-Chalindrey (52)

René SCHWEYER est en poste à la gare de Culmont-Chalindrey (52) de janvier 1942 à février 1945 en tant que chef de gare de 1ère classe. Il habite le bâtiment de la gare avec sa famille. La gare de Culmont-Chalindrey est un nœud ferroviaire important composé d’une importante gare de passage, d’un faisceau d’escale et d’un dépôt. Grâce à sa localisation privilégiée, c’est encore aujourd’hui le siège d’une activité non négligeable. Elle est implantée au croisement de la radiale Paris-Mulhouse et de la transversale Nancy-Dijon ; Paris est à 308 km, Troyes à 142 km, Nancy à 153 km, Dijon à 77 km et Vesoul à 74 km.

René SCHWEYER est en poste à Culmont-Chalindrey depuis 2 ans et demi lorsque la gare et les installations ferroviaires sont bombardées par l’aviation anglaise le 13 juillet 1944. Ce bombardement du dépôt provoque avec un jour d’avance un feu d’artifice mortel chez les cheminots et les riverains.

En 1944, les sabotages des lignes et des installations de chemins de fer sont devenus monnaie courante. Pour contrarier efficacement le mouvement des troupes allemandes tentant de venir à la rescousse lors du débarquement allié en Normandie du 6 juin 1944, les Alliés mènent au printemps 1944 des opérations aériennes de grande ampleur sur les nœuds ferroviaires. Celui de Chalindrey est visé dans la nuit du 12 au 13 juillet 1944, le raid frappant, avec une rare intensité, toutes les composantes du complexe, de la gare voyageurs, les postes d’aiguillage, le dépôt, le plan de voies, ainsi que les viaducs du raccordement courbe et de Saôlon.

Le trafic va être long à reprendre, vu l’ampleur des destructions. – cela s’ajoute, pendant l’été, l’action très efficace des maquisards haut-saônois, qui vont totalement bloquer l’artère Paris-Mulhouse par un amoncellement de trains et d’une grue de relevage dans la tranchée de Montureux-lès-Baulay, interrompant le trafic jusqu’à la Libération début septembre 1944.

Les installations ne sont plus qu’un amas de ferraille, d’où émergent les silhouettes mutilées de plusieurs machines prisonnières : le bombardement détruit 64 machines. Des mesures sont prises par les allemands pour déblayer les décombres et rafistoler les installations.

Pour la seconde fois, René SCHWEYER et sa famille perdront leurs biens à la suite du bombardement de Culmont-Chalindrey (52) du 13 juillet 1944, mais dans une moindre proportion qu’à Béning (57). Le pourcentage du sinistre du contenu du logement de Culmont-Chalindrey ne sera « que » de 20%. Un dossier d’indemnisation sera déposé, mais n’aboutira pas.

Toutefois, la situation financière est difficile pour la famille et ses 5 enfants écoliers et étudiants : René SCHWEYER bénéficiera le 2 février 1946 de la carte de sinistré du département de Haute-Marne pour le sinistre du 13 juillet 1944. Il bénéficiait déjà depuis septembre 1945 de la carte de réfugié non allocataire du Haut-Rhin. 

4-P112-SCHWEYER René-Carte de Réfugié – 19 et 20 sept 1945
4-P118-SCHWEYER René-Carte de Sinistré – 02 février 1946-Recto

Les archives de la SNCF nous ont permis de suivre les travaux de remise en état de la gare de Culmont-Chalindrey, et ce, après deux épisodes différents de destructions dans cette gare :

  • le bombardement allié (anglais) du 13 juillet 1944 de 02h00 à 02h40
  • les sabotages provoqués par les allemands les 1er et 3 septembre 1944 lors de leur évacuation.

René SCHWEYER, en tant que chef de gare, a dû subir la gêne des réquisitions de ses personnels effectuées par les Allemands (requis civils et SST). Il a également vécu «en direct» l’évolution des travaux de remise en état, l’ambiance de ce camp de travail forcé et les nombreuses explosions des bombes à retardement qui ont généré des victimes et qui ont duré plus d’un mois.

Le bombardement a eu lieu le 13 juillet 1944 de 2h à 2h40 du matin. Il a été comptabilisé plus de 1500 points de chute de bombes. Tout le triangle des installations ferroviaires a été touché par les bombes. Le dépôt est entièrement détruit. La zone de la rotonde est parsemée d’entonnoirs dont la profondeur atteint 8 mètres. Les lignes ferroviaires sont coupées (lignes 40 et 46) ainsi que la ligne de raccordement direct. Le « saut de mouton » est atteint en deux endroits, et le viaduc du Saôlon (viaduc de Torcenay) est touché : brèche entre les piles 2 et 4. Le 26 juillet 1944, soit 13 jours après le bombardement, une bombe explose spontanément sur la voie de Gray et blesse 31 ouvriers.

Les Allemands ont tout mis en œuvre pour réparer ou essayer de réparer la gare, le dépôt et les voies ferrées qui conduisaient vers l’Allemagne. Quantité de matériels nécessaires pour la remise en état mais aussi et surtout réquisition de main d’œuvre, avec des conditions de travail pénibles et très dangereuses. Même si l’issue de la guerre semblait ne faire aucun doute et même si les armées alliées progressaient en France depuis le débarquement du 6 juin 1944.

Les travaux de remise en état commencent dès le 14 juillet 1944, et des comptes-rendus journalier strès précis commencent à être dressés : désignation du chantier, effectifs affectés à ce chantier, nature des travaux effectués, problèmes éventuels de ravitaillement et d’approvisionnement en matériel et en hommes, faits marquants de la journée, accidents, explosions…

La remise en état des voies principales est terminée le 23 août 1944, soit un mois et 10 jours après le bombardement. Les Allemands ne lésinent sur aucun moyen pour remettre en état la gare et le dépôt. Ils réquisitionnent des civils, les employés des entreprises sous-traitantes et prestataires de la SNCF. Ils font appel à des prisonniers de guerre, en l’occurrence à des prisonniers annamites (certainement internés à Langres) et à des forçats de la prison de Clairvaux (10), affectés à la recherche de bombes non éclatées (pendant la Seconde Guerre mondiale, Clairvaux sert également de lieu d’internement pour les opposants politiques, militants communistes et syndicalistes, ainsi que pour des Juifs habitant dans la région. Les détenus souffrent de conditions d’internement particulièrement dures et peuvent être livrés aux Allemands quand ces derniers réclament des otages.). Le nombre d’hommes utilisés est très important : jusqu’à plus de 2600 hommes par jour.

Mais les 1er et 3 septembre 1944, lors de la retraite allemande, la ReichsBahn et les pionniers allemands détruisent les installations principales de la gare de Chalindrey par dynamitage. Les points vitaux de la gare et de son activité sont ciblés avec beaucoup plus de facilité que lors d’un bombardement aérien :voies principales et accès au triage, viaduc du Saôlon, viaduc du saut de mouton, réservoirs d’eau, postes d’aiguillage, bâtiment voyageurs, bâtiment des agents de trains, buffet, magasins, cantine, service médical, signalisations, postes électriques, passerelle, téléphonie…

René SCHWEYER quittera Culmont-Chalindrey pour son nouveau poste à Mulhouse-Ville le 1er mars 1945. Il sera promu en septembre 1945 chef de gare de 2ème classe à Mulhouse-Ville.

La reconstruction du dépôt de Culmont-Chalindrey s’étale sur l’année 1946, avec une rotonde moderne en béton armé, un pont tournant, un toboggan à combustible et un vaste atelier de réparations. Un baraquement en bois servira de gare voyageurs avant sa reconstruction dans la décennie 1950. En plus des employés de la SNCF et des entreprises prestataires, des prisonniers de guerre allemands participent à réparer les destructions.

3. Des «trains fantômes» sont passés à Culmont-Chalindrey

Plusieurs trains de déportés pendant la Libération de la France, furent appelés « trains fantômes » car on ne savait pas où ils étaient et où ils allaient. Le train qui est passé à Culmont-Chalindrey le 25 août 1944, fut un des derniers convois de déportation. Il transportait initialement 750 déportés, dont 60 femmes, une majorité d’Espagnols, des juifs étrangers et des résistants de Bir-Hakheim, des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée), des résistants de l’OCM (Organisation civile et militaire) tous livrés par la police française. Malgré les obstacles dans une France en cours de l’occupant nazi et la durée inédite de son trajet (54 jours au lieu de 3 jours d’ordinaire, du 3 juillet à Toulouse au 28 août 1944 à Dachau) , le train est parvenu à sa destination finale. Environ 200 prisonniers ont pu s’échapper pendant le très long trajet. 536 déportés ont été immatriculés à leur arrivée à Dachau, dont près de la moitié n’ont pas survécu aux camps.

Depuis 1942, ce sont 80 trains, soit 140 000 déportés, qui ont ainsi circulé sur les voies SNCF avec une destination finale, fatale pour beaucoup. Ce train fantôme portant le n° 15193 passa de Chalindrey à Langres le 25 août 1944 vers 11 heures, évitant un mitraillage allié en se réfugiant dans le tunnel.

Il y eut d’autres « trains fantômes » dont celui du 11 août 1944 qui passa par Culmont-Chalindrey :

Le convoi du 11 août 1944 transfère des détenus de Lyon vers Drancy, Compiègne et Romainville, et est dérouté vers le Struthof, Ravensbrück et Auschwitz… . La ligne Lyon-Auschwitz passait par Châlons, Dijon, Is-sur-Tille, Culmont-Chalindrey, Belfort, Mulhouse, Strasbourg, Rothau, Stuttgart, Nuremberg, Katowice. L’avancée des Alliées et les bombardements des voies ferrées, les sabotages organisés par la Résistance viennent modifier les plans des nazis. Cette situation aurait pu commander à renoncer à une telle entreprise. Il n’en sera rien. Le train avance, recule, s’arrête mais ne quitte jamais le dessein d’arriver à destination. Le train reste 2 jours à l’arrêt (12 et 13 août 1944), suspendu dans un vide d’incertitudes, à Culmont-Chalindrey. Puis ce sera Châlons, Beaune, Dijon, Langres, Chaumont, Langres à nouveau. Le train parvient finalement à Vittel le 15 août 1944.

Au même moment, les côtes varoises voient arriver l’autre Débarquement. Le 16 août 1944, on apprend cette nouvelle folle, espérant en vain que la liberté rattrape ce train que rien n’arrêtait. Les détenus sont harcelés par la vermine, affamés et assoiffées. La Croix-Rouge parvient à convaincre les nazis de faire descendre les détenus pour les nourrir. Les pompiers apportent des lances pour la toilette des prisonniers. Le train repart. À Rothau, en Alsace, le 18 août 1944, les Allemands se séparent des hommes résistants pour les envoyer au Natzweiler-Struthof. Le 19 août 1944, le train franchit le Rhin. A Kehl, on dédouble le train afin que les femmes résistantes soient acheminées vers Ravensbrück par la gare de Fürstenberg. Contre toute attente, le reste de ce train fantôme, uniquement composé de juifs, arrive à Auschwitz le 22 août 1944. Les témoins, les uns après les autres, racontent leur sentiment d’avoir vu le soleil s’éteindre en arrivant dans la nuit de Birkenau.

Nota bene : Le passage de trains composés de wagons à bestiaux remplis d’êtres humains à destination des camps d’extermination n’est pas directement lié à la vie de mon grand-père. Toutefois, ces évènements ont été vécus par mon grand-père : en tant que chef de gare, il n’était pas forcément informé de la composition de ces trains, mais il était quelquefois possible de se rendre compte de la nature du «chargement» des wagons, d’autant plus quand ces trains, férocement gardés, stationnaient plusieurs heures dans la gare de Culmont-Chalindrey. Quelles pouvaient être les pensées des cheminots devant le passage de tels trains ? Cela ne pouvait pas les laisser indifférents. C’est pour cela que j’ai souhaité mentionner ces faits. Et également pour que ces faits ne tombent pas dans l’oubli.

Christophe SCHWEYER
Rédigé en décembre 2022

Chapitres précédents :

Chapitres suivants :

  • V. L’activité dans la Résistance et le réseau Béarn
  • VI. La carrière professionnelle après la guerre
  • VII. Distinctions et décorations reçues par René Schweyer

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