Parcours de vie de René Schweyer (3) : la Résistance et le réseau Béarn

Christophe SCHWEYER retrace le riche parcours de vie de son grand-père René SCHWEYER, né et mort à Mulhouse (1892-1966), prisonnier des Russes pendant la Grande Guerre, puis employé des Chemins de fer de l’Est et résistant. Au-delà de l’hommage de l’auteur à son aïeul, ce récit est particulièrement intéressant par l’abondance des archives familiales qui l’illustrent. Le lecteur y trouvera une invitation à rechercher pour sa propre généalogie des documents d’archives souvent négligés.
Le récit vous est présenté sur le blog « Généalogie Alsace » en 4 épisodes :
Parcours de vie de René Schweyer (1) :
I. Contexte familial
II. Ancien combattant de la guerre 14-18
III. Vie familiale
Parcours de vie de René Schweyer (2) :
IV. Sa carrière au sein des chemins de fer
Parcours de vie de René Schweyer (3) :
V. L’activité dans la Résistance et le réseau Béarn
Parcours de vie de René Schweyer (4) :
VI. La carrière professionnelle après la guerre
VII. Distinctions et décorations reçues par René SCHWEYER

V. L’activité dans la Résistance et le réseau Béarn

A. Attestations d’appartenance au réseau Béarn

1. Par une attestation du 09 août 1946, le commandant ULVER, chef du réseau BEARN certifie que René SCHWEYER est entré au Réseau Béarn le 15 février 1942 et qu’il a été immatriculé sous l’indicatif : RUA237. Deux personnages centraux ont dirigé conjointement le Réseau Béarn depuis Paris : Robert DEJARDIN et Henri ULVER (le plus connu car il deviendra ministre sous la IVe République).

2. Par une attestation du 14 octobre 1949, le lieutenant-colonel DE BELENET, agissant au nom du secrétaire d’État aux Forces armées, atteste : René SCHWEYER a servi en qualité d’agent P1 du 15 février 1942 au 30 septembre 1944 au réseau BEARN des Forces françaises combattantes (FFC).

4-P22-SCHWEYER René-1946 08 09-Membre du Réseau Béarn-FFC
4-P23-SCHWEYER René-1949 10 14-Membre du Réseau Béarn-FFC

FFC  est le sigle de Forces françaises combattantes : Nom donné en 1942, à Londres, par le général de Gaulle, à l’organisation militaire constituée par les agents des réseaux de la France libre dans la zone occupée par les Allemands ou contrôlée par le gouvernement de Vichy.

Qu’est-ce qu’un Agent  secret ? Très vite, les volontaires sont qualifiés d’«agents».

  • Certains travaillent dans les bureaux du BCRA. On les appelle les « sédentaires ».
  • D’autres servent en France, dans des conditions bien particulières puisqu’ils sont pourchassés aussi bien par l’occupant que par les hommes de Vichy. On ne se préoccupe toutefois de préciser leur statut qu’après dix-huit mois de guerre. On commence par les agents envoyés en missions spéciales depuis Londres. En novembre 1941 de Gaulle signe un arrêté qui donne un statut militaire à ces agents. S’ils ne sont pas officiers, ceux-ci sont assimilés au grade de sous-lieutenant, d’abord pour la durée de leur mission, puis dès le début de leur formation afin de leur faire profiter de la considération et des avantages réservés aux officiers dans les écoles britanniques. Le 11 avril 1942, le décret n° 221 précise que ces agents – qu’ils aient une mission militaire ou politique- constituent un corps militaire d’assimilés spéciaux comportant cinq catégories les charges de mission de 3è, 2è et 1re classe et les chefs de mission de 2é et 1re classe. Chaque agent est nommé par de Gaulle dans l’une de ces catégories, pour la durée de sa mission, et reçoit un grade d’assimilation : sous-lieutenant, lieutenant et capitaine pour un chargé de mission de 3è, 2è et 1re classe, commandant et lieutenant-colonel pour les chefs de mission de 2è et 1re classe. Lorsqu’il est en mission et donc totalement pris en charge par le BCRA, l’agent touche la moitié de sa solde.
  • Reste le cas des agents recrutés en France par les réseaux, qui s’engagent dans les Forces Françaises Combattantes (FFC) et reconnaissent donc de Gaulle comme leur chef. Leur statut est défini par le décret n° 366 du 25 juillet 1942, qui a fait couler beaucoup d’encre. Ces hommes et ces femmes se répartissent en trois catégories en fonction de leur degré d’implication dans leur réseau :
    • Les Agents O -pour « Occasionnel »-  sont par exemple un fermier qui prête de temps en temps son champ comme terrain d’atterrissage ou une personne qui prête sa maison comme refuge ;
    • Les Agents P1 sont des permanents, qui agissent toutefois sous couvert d’une activité professionnelle dont ils tirent leurs revenus ;
    • Les Agents P2, enfin, qui consacrent la totalité de leur temps au service, se soumettent à une discipline totale, sont justiciables devant les tribunaux militaires et peuvent bénéficier dans le corps des agents spéciaux.
  • Environ 5 800 personnes ont pu se prévaloir du titre de Français Libres sans être sorties de France : ce sont des agents P1 et P2 des réseaux engagés avant le 31 juillet 1943, cette date marquant la fin de la France Libre qui se fond alors dans le CFLN.

3.Par une attestation datée du 24 septembre 1945, le Capitaine Henri VOGT, Direction générale d’actions et de recherches, chef régional du BCRA-réseau BEARN,  atteste que : René SCHWEYER a fait partie du service de renseignements de Novembre 1943 jusqu’à la Libération. Chef de gare à Culmont-Chalindrey durant cette période, il m’a fourni des renseignements précieux sur les mouvements des trains ennemis et sur les objectifs allemands de la région. Monsieur SCHWEYER, […] a accompli toutes ses missions avec zèle, dévouement et avec un courage à toute épreuve donnant le plus bel exemple d’abnégation et de pur patriotisme.

4-P16-SCHWEYER René-1945 09 24-Attestation du Capitaine Vogt [Henri VOGT : né le 18-06-1903 à Spechbach-le-Haut (68), médaille de l’Ordre de la Libération].

BCRA : le Bureau central de renseignements et d’action était pendant la Seconde Guerre mondiale le service de renseignement et d’actions clandestines de la France libre. Créé en juillet 1940 par le général de Gaulle.

4. Le 02 novembre 1945, René SCHWEYER rédigera une attestation en faveur du résistant Charles MAITRET :

« Je soussigné SCHWEYER René, chef de gare principal à Mulhouse-Nord, ex-chef local du BCRA-réseau BEARN à Culmont-Chalindrey de février 1942 jusqu’à la Libération, certifie que
Monsieur MAITRET Charles,
conducteur d’autorail à la SNCF, domicilié à Culmont (Haute-Marne), était mon agent de confiance dans le groupe de résistance. Il était chargé du recrutement de résistants parmi le personnel du service de la traction et a rendu dans ce domaine de précieux services. Il a été chargé par moi d’autres missions, entre autres celle de chercher des explosifs à Neufchâteau. Il s’est acquitté de toutes les missions avec beaucoup d’audace et de dévouement. Sa belle conduite de résistant fut interrompue par son arrestation par la Gestapo, entraînant sa déportation à Buchenwald. Il a gardé un silence absolu, évitant ainsi mon arrestation et celle de tous mes collaborateurs. »

5. Le 11 décembre 1952, sur sollicitation de la Délégation interdépartementale de Dijon du Ministère des Anciens Combattants et Victimes de la guerre, René SCHWEYER rédige une attestation pour le résistant Jean-Marie BOURLIER :

« Je soussigné SCHWEYER René, chef de gare principal de 1ère classe à la gare de Mulhouse-Ville, agent responsable local du Réseau BÉARN à la gare de Culmont-Chalindrey à partir du 15 février 1942 jusqu’à la fin de l’Occupation (septembre 1944), certifie sur l’honneur que le sieur BOURLIER Jean-Marie, né le 22 août 1902 à TORCENAY (Haute-Marne), facteur enregistrant à la gare de Culmont-Chalindrey, a fait effectivement partie des affiliés au réseau BÉARN.
BOURLIER fut vendu à la Gestapo par un indicateur de ce service à la suite d’une conversation qu’il a eue avec cet indicateur sur rendez-vous téléphonique, en même temps qu’un autre membre du réseau MAITRET Charles, domicilié à Culmont, conducteur d’autorail au dépôt de Chalindrey.
Les deux membres étaient très actifs et leur concours très précieux dans le service des renseignements autant que dans la Résistance.
Les deux furent arrêtés par la Gestapo le 26 octobre 1943 et transférés par étapes en Allemagne dans les camps de concentration d’où MAITRET est rentré encore vivant, tandis que BOURLIER est décédé. »

Mon grand-père, René SCHWEYER, fait ici une remarque particulière en distinguant deux organisations distinctes : « Les deux membres étaient très actifs et leur concours très précieux dans le service des renseignements autant que dans la Résistance. » Le « service de renseignement » cité par mon grand-père dépendait du BCRA (Bureau Central de Renseignements et d’Action) des services gaullistes de la France Libre et qui se différenciait d’autres organisations de la Résistance.

B. Cartes d’adhésion aux mouvements de Résistance
  • Le 23 février 1946, René SCHWEYER bénéficie de la Carte de l’amicale du réseau BEARN Numéro 287. Ce document complète la fiche d’adhésion à l’Amicale du réseau publiée par le musée de la Résistance dans le dossier sur René SCHWEYER.
  • Également le 23 février 1946, René SCHWEYER est membre de la Fédération des amicales de Réseaux de la France combattante.
  • En 1948,  attribution de la carte « RESISTANCE FER » de l’Union des cheminots résistants  N° 410
  • Le 4 novembre 1949 : Carte d’Identité des FFL (Forces françaises libres) N° 13 934
  • Le 21 novembre 1951 : Carte de combattant volontaire de la Résistance N° 14 508
4-P22bis-SCHWEYER René-1946 08 09-Membre de l’Amicale du réseau Béarn
4-P40-SCHWEYER René-1946 02 23-Membre Fédération des Amicales Réseaux de la FC
4-P21-SCHWEYER René-Carte d’Identité des FFL – Recto-verso
4-P21-SCHWEYER René-Carte d’Identité des FFL – Recto-verso
4-P36-SCHWEYER René – Carte combattant volontaire Résistance-21 nov 1951
C. Quelle attitude adopter à la Libération ?

Le 30 avril 1945, soit quelques jours avant la signature de l’armistice du 8 mai 1945, les nouvelles autorités françaises demandaient à René SCHWEYER son avis sur plusieurs points :

  1. Quelle attitude les administrations françaises doivent-elles adopter vis-à-vis des populations de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin « afin de les attacher à la mère-patrie par des sentiments de cœur éternels »,
  2. Même question pour la SNCF et son personnel,
  3. « Comment les dirigeants SNCF doivent-ils traiter leurs subordonnés afin que ceux-ci soient pleinement content de leur sort ? Une certaine familiarité est-elle possible et recommandable ? Relations avec les délégués du personnel ? Y a-t-il différences de mentalité entre agents des 3 départements : faut-il en tenir compte et comment ? Y a-t-il inconvénients graves à renoncer à la publication d’instructions en 2 langues et aux tableaux d’aptitude régionaux particuliers aux 3 départements ? »

Pour recevoir une telle demande, René SCHWEYER devait faire partie des personnes en vue lors de la Libération. Dans l’étude de sa fin de carrière professionnelle et à l’occasion de sa mise à la retraite d’office (voir chapitres suivants), nous nous posons la question de savoir si une telle position sociale pouvait ou non susciter des jalousies et de l’agacement. Dans les documents familiaux en notre possession, nous n’avons pas trouvé trace des réponses apportées par René SCHWEYER.

Christophe SCHWEYER
Rédigé en décembre 2022

Chapitres précédents :

Chapitres suivants :

  • VI. La carrière professionnelle après la guerre
  • VII. Distinctions et décorations reçues par René Schweyer

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