Sosa 24 : Balthasar KUNTZ né à Rott en 1862

Mon Sosa 2024 étant probablement originaire de Sarreguemines et les archives municipales de cette ville étant en cours de numérisation, il me faudra encore patienter quelques temps pour poursuivre mes recherches (mais puisque je patiente depuis 31 ans, je ne suis plus à une année près…).

Je parlerai donc de mon Sosa 24, né en 1862 à Rott, petit village de l’Outre Forêt, situé à quatre kilomètres de Wissembourg. Balthasar[1] Kuntz voit le jour dans une Alsace encore française, moins de dix ans avant l’Annexion.

Il est issu d’une longue lignée de cultivateurs, profession en large majorité dans le village, mais cultivateurs relativement aisés et propriétaires de nombreuses terres. Sa famille est de religion protestante, comme la presque totalité du village. Le nord de l’Alsace est majoritairement protestant, ainsi que l’étaient les anciens seigneurs germaniques qui gouvernaient.

Son père s’appelle également Balthasar mais il semblerait que tout le monde le nomme plutôt Michel (Balthasar dit Michel). Sa mère est connue sous le prénom de Catherine, bien qu’elle soit née uniquement avec le prénom de Madeleine (autre mystère) … Le cercle familial autour de l’enfant est relativement restreint puisqu’il n’a qu’une unique sœur de deux ans son aînée (trait caractéristique des familles protestantes que celui du nombre réduit d’enfants), et des grands-parents côté paternels. Côté maternel, flotte le vague souvenir d’un grand-père parti pour le rêve américain et une grand-mère décédée trop jeune.

En 1866, la famille habite la Vordergass et partage la maison avec une veuve et ses trois grands enfants déjà adultes ou adolescents qui semblent n’avoir aucun lien familial avec eux.

Lorsque l’Alsace est annexée, la famille n’opte pas pour la France, elle reste à Rott. Trop à perdre, trop de déracinement. Les Kuntz ne parlent qu’alsacien et ne connaissent quasiment que leur village où ils vivent en autarcie depuis des siècles, comme bon nombre des autres villageois. On peut tout au plus imaginer des déplacements sur Wissembourg, sans doute guère plus loin.

À la suite du décès du grand-père en 1871, le père de Balthasar, déjà propriétaire de nombreuses terres, vignes et prés dans le village, hérite par succession de la maison paternelle. Il faudra toutefois attendre 1874 pour qu’il en dispose. Il est possible donc que la famille ait déménagé à cette époque.


[1] A Rott, Balthasar est toujours orthographié avec un « s » et non un « z »


Rott, plan cadastral 3 P 409 /14/2Section E, feuille 2 (source : AD67 en ligne)

Cette maison (colorisée en jaune sur le plan) à colombages, située à l’actuel 5 rue Schoenert (autrefois Sandgasse = rue du Sable) appartenait déjà à l’arrière-grand-père paternel de Balthasar.

Dans les années 1960, la famille qui y habitera lui adjoindra un portail sculpté en grès rose avec les membres de la famille.

Je l’ai photographié en 2017, sans savoir qu’il s’agissait de la maison de mon ancêtre…

En 1880, Balthasar a 18 ans, il n’est pas majeur mais n’habite plus avec ses parents et sa sœur. J’imagine qu’il travaillait dans une famille de la commune ou dans un autre village.

Arrive le jour du mariage de Balthasar, le 17 juillet 1883 à Rott. Il n’a pas encore fêté ses 21 ans et épouse Marguerite Kuntz, une cousine au 4ème degré. Elle porte le même patronyme que lui et nul doute que la famille a bien sûr connaissance de ce degré de parenté. Dans ce coin de l’Outre-Forêt plus qu’ailleurs encore, on a tendance à verrouiller les possessions terrestres par des mariages bien ficelés.

Les deux jeunes gens n’ont que deux ans de différence, mais sur la photo qui les représente, ils ne respirent pas le bonheur et semblent plus âgés. Aucun des deux n’est encore majeur. On imagine aisément que ce mariage leur a été imposé et que ce n’est pas un mariage d’amour.

 Marguerite est assise, Balthasar debout derrière elle, une main appuyée sur son épaule, un peu comme un signe de domination, ou alors tout simplement une posture due au temps de pose très long pour la photographie ! La photo est petite, format carte de visite, marque d’une époque dans l’histoire de la photographie et qui permet une datation facile.

C’est donc dans une Alsace devenue allemande que naît leur premier enfant, en 1884, porteur du même prénom que son père et que son grand-père, pour ne pas faillir à la tradition.

En 1885, le couple et leur bébé de deux mois vit avec une grand-tante maternelle. À une époque où les maisons de retraite et les EPHAD n’existent pas, il était coutume de prendre en charge les personnes de la famille âgées ou seules. Cette femme qui a 82 ans déjà mourra deux ans plus tard, c’est sans doute ce qui permet à Balthasar et Marguerite de quitter le village natal et s’installer à Strasbourg. Et puis, Balthasar a décroché un travail d’employé à l’octroi. L’octroi est une contribution indirecte perçue par les villes lors de l’entrée des marchandises.

La famille habite rue des Bains à Strasbourg et c’est là que naîtra leur fille Caroline en 1887. Mais bientôt, tout le monde retourne au village. Perte de travail ou démission ? Peut-être que la famille ne s’est pas faite à la vie urbaine. Une photo où les enfants ont environ 7 et 3 ans prise à Wissembourg atteste que vers 1890 déjà, la famille est de retour au village.

À une époque où l’on pouvait encore exercer des métiers très différents sans beaucoup de formation, Balthasar, après avoir été cultivateur, puis employé à l’octroi devient aubergiste. Le couple construit une maison en brique. Maison mais également auberge appelée « Zum Kaiser » par Balthasar.

La photo est un évènement, tout le monde a voulu en profiter ! Les messieurs devant la porte, les femmes et les enfants aux fenêtres. La photo peut dater d’après 1895. On remarquera que le supposé nom de l’auberge est barré. 

Sur le fronton au-dessus du porche d’entrée, une plaque en grès rose commémore la date de construction.

« Erbaut 1891 durch Balthasar Kuntz und Margaretha Kuntz » (Construit en 1891 par Balthasar Kuntz et Marguerite Kuntz

Malheureusement, la profession d’aubergiste lui sera fatale car d’après la mémoire familiale, une rixe a lieu dans son établissement, Balthasar prend un bock sur la tête et en meurt le 30 décembre 1895. Il n’a que 33 ans et laisse deux enfants de 11 et 8 ans et une jeune veuve de 31 ans.

Marguerite quant à elle vivra jusqu’à 71 ans après avoir vécu la 1ère Guerre Mondiale et le retour de l’Alsace à la France.

Maison construite par le couple Kuntz (aujourd’hui)
 

Delphine GURLIAT

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