Mes arrière-grands-parents… une vie simple

Chronique généalogique de la famille LUDWIG de Saint-Amarin (Haut-Rhin, Alsace, France)

Je suis né à Paris d’un père Alsacien natif de Saint-Amarin dans la vallée de la Thur dans le département du Haut-Rhin mais aussi avec des aïeux dans le Bas-Rhin vers Neewiller près de Lauterbourg et Fort-Louis (Ludwigfest) ainsi qu’en Allemagne et en Suisse, et d’une mère originaire de l’Île-de-France donc une « Welsche » (prononcer valsch) c’est-à-dire (de l’intérieur pour un Alsacien), mais après des recherches généalogiques elle aussi avait une petite partie de ses aïeux du Bas-Rhin vers Mertzwiller et Olwisheim.

Pour ces recherches généalogiques du coté maternel et aussi du côté de mon épouse je suis adhérent dans un petit Cercle d’entreprise ouvert sur diverses régions d’où ma surprise de voir dans le bulletin d’un cercle généalogique Auvergnat (1) sur la guerre 14-18 que les premiers morts le sont en Alsace, car dès le 7 août 1914 (déclaration de guerre de l’Allemagne à la France le 3 août 1914) les troupes françaises de la 41e Division d’Infanterie passant par le col de Bussang rentrent dans la vallée de la Thur jusqu’à Cernay et Thann (2), elles y restent jusqu’à l’Armistice du 11 novembre 1918 ; vallée de la Thur où se trouve le berceau de ma famille alsacienne depuis Thiebault LUDWIG né vers 1648. J’ai profité de mes propres recherches généalogiques, des documents officiels et familiaux et des « souvenirs familiaux  » pour rechercher le destin de mes aïeux pendant ces périodes. Pour ma famille alsacienne, les guerres de 1870-1871, 1914-1918 et celle de 1939–1945 sont indissociables.

Mon aïeul Alphonse LUDWIG (Sosa 8) 3e enfant d’une fratrie de 4 enfants, 2 filles Lina Maria (1853-1856) et Maria Elisa (1854-1858) et 2 garçons Alphonse (1857-1922) et Emile (o1865). Ils sont nés à Mitzach (3) petit village distant de 2 km de St-Amarin (4). Donc mon Alphonse, enfant de Nicolas LUDWIG (1826-1887) contremaître d’usine et d’Apolline KÜBLER (1830-1887) ouvrière de fabrique, vivra à St-Amarin et y travaillera comme machiniste de fabrique à l’usine de tissage puis sera le facteur du village, il s’y mariera à l’âge de 42 ans avec une payse et le couple y aura 7 enfants. Il décédera en 1922 et sera enterré dans le cimetière communal.
Maria Thérèsia LUTHRINGER (Sosa 9) aînée d’une fratrie de 3 filles, Maria Thérèsia (1878-1960) Joséphine (o1879) Gäcilia (o 1881) toutes nées à St-Amarin, filles de Valentin LUTHRINGER (1850-1894) ouvrier de fabrique et de Thérèsia MURA (1847-1882) ouvrière de fabrique. Maria Thérèsia perdra sa mère à l’âge de 4 ans et son père vers ses 16 ans elle se mariera à l’âge de 21 ans, toujours à St-Amarin, y élèvera ses 7 enfants et décédera à Moosch (5), village distant de 2,5 lm du dit St-Amarin à l’âge de 82 ans, mais sera enterrée avec sont époux à St-Amarin. Ces deux destins semblent banals et sans histoires mais l’Histoire va ajouter des petits rebondissements.
Alphonse naît donc français le 9 août 1857 à Mitzach sous le Second Empire pendant le règne de NAPOLÉON III (1808-1873). Lors de la guerre franco-prussienne, après la défaite de Sedan du 2 septembre 1870, le siège de Paris à partir du 17 septembre 1870 et suite à la négociation de Versailles du 26 février 1871 entre Otto Von Bismarck (1815-1898), Adolphe Thiers (1797-1877) et Jules Favre (1809-1880) du texte préliminaire de paix qui sera ratifié par le vote de l’Assemblée Nationale siégeant à Bordeaux le 1 mars 1871, par 546 voix pour, 170 voix contre et 23 abstentions. Le 10 mai 1871, dans l’hôtel Zum Schwan (Au cygne) est signé par les deux belligérants le traité de Francfort qui, entre autres, annexe l’Alsace-Lorraine à l’Empire allemand (IIe Reich), empire qui a été créé le 18 janvier 1871 dans la galerie des glaces du château de Versailles par la coalition des royaumes de Prusse, Bavière, Württemberg et grand-duché de Bade.
Son père Nicolas ne sera pas optant français, mon Alphonse devient donc un citoyen allemand à l’âge de 13 ans 9 mois sous le règne de « l’Empereur d’Allemagne » WILHELM Ier (Guillaume), dénomination comme le souhaite l’empereur lui même et non « l’Empereur allemand » comme le souhaitait Bismarck, mais l’un comme l’autre ne sont d’ailleurs allemands que depuis 3 mois 3 semaines et 1 jour.
Le 11 novembre 1899 à St-Amarin sous le règne de WILHELM II (Guillaume II), Alphonse âgé de 42 ans épouse Maria Thérèsia sa payse âgée de 21 ans. Leurs 7 enfants, Cecilia (1900-1903), Celestin (1901-1956), Elisa (1902-1969), Lucilia (1903-1903), François (1905-1980), Robert (1907-1970), Anna (1912-1993) y naîtront avant 1919 donc tous citoyens allemands.

Le 3 août 1914, lors de la déclaration de la guerre par l’Allemagne à la Serbie et à la France, Alphonse est âgé de près de 57 ans et Maria Thérèsia 36 ans et demi, les enfants entre 2 et 13 ans. Sous la présidence de Raymond Poincaré, est signé le 28 juin 1919 le traité de Versailles qui entre autre, réintègre l’Alsace-Lorraine à la France.
Alphonse redevient donc français à l’âge de 61 ans et 10 mois et Maria Thérèsia devient donc française par réintégration à l’âge de 41 ans.
Pour les enfants, les âges à la réintégration seront de 18 ans, 17 ans, 14 ans, 12 ans et 7 ans. Alphonse décède le 28 novembre 1922 à l’âge de 65 ans 3 mois 2 semaines et 5 jours.
Pour résumer sa vie, il est né et mort français en changeant deux fois de nationalité pour être pendant 17 ans français et 48 ans allemand. Il a connu comme régime, l’Empire Français, la République Française, l’Empire Allemand et de nouveau la République Française, soit 48 ans d’empire sous un empereur français, NAPOLÉON III (1808-1873) et 3 empereurs allemands, WILHELM I (1797-1888) FRIEDRICH III (1831-1888) et WILHELM II (1859-1941) et près de 3 ans et demi de République sous 1 Chef du pouvoir exécutif Adolphe Thiers (1797-1877) et 3 présidents de la République, Raymond Poincaré, Paul Deschanel et Alexandre Millerand.

Pour Maria Thérèsia LUTHRINGER ma « Űhrgrossmüetter » (grand-mère pendule en alsacien) née le 3 février 1878 à St-Amarin et décédée à Moosch le 25 mai 1960 à l’âge de 82 ans 3 mois 3 semaines 1 jour. Elle est donc née allemande et ressortissante de l’Empire pendant 41 ans et 4 mois sous les empereurs WILHELM I, FRIEDRICH III et WILHELM II puis citoyenne française pendant 40 ans et 11 mois sous 3 Républiques (les 3ème 4ème et 5ème Républiques) et 9 Présidents, Raymond Poincaré (1860-1934), Paul Deschanel (1855-1922), Alexandre Millerand (1859-1943), Gaston Doumergue (1863-1937), Paul Doumer (1857-1962), Albert Lebrun (1871-1950), Vincent Auriol (1884-1966), René Coty (1882-1962), Charles de Gaulle (1890-1970).
Elle sera une mère allemande mais une grand-mère et arrière-grand-mère française.
Comme tous les Alsaciens et Lorrains, elle subira également pendant la Deuxième Guerre mondiale le décret du 27 novembre 1940 qui « annexera » l’Alsace-Lorraine (Moselle) au IIIe Reich nazi et cela jusqu’à la libération de Strasbourg le 23 novembre 1944 par la 2e DB de LECLERC.

Mes arrière-grands-parents alsaciens sont un exemple des différents destins des Alsaciens et Lorrains (Mosellans) de ces époques de changements de nationalité, langue, système éducatif, système de santé, judiciaire etc. et cela sans changer de résidence.
Et enfin une question à laquelle je n’ai pas de réponse et à laquelle je n’aurai jamais de réponse même avec le livre de M. Joseph Schmauch (6) c’est : quelle était la vision de chacun des membres de ma famille sur les événements entre le 7 août 1914 et le 11 novembre 1918, moment où ils sont des citoyens allemands « libérés mais occupés » (ou l’inverse) par la présence de l’armée française.

MARIA THÉRÈSIA – 1er rang, 4ème personne en partant de la droite.
CELESTIN – 2ème rang, 2ème personne en partant de la droite,
son fils aîné mon grand-père.
ANNA LUCIE HERTWECK – 4ème rang, 4ème personne en partant de la droite,
sa 1ère bru ma grand-mère.
RENÉ ALPHONSE – 4ème rang, 5ème personne en partant de la droite,
son 1er petit-fils mon père.

G. Ludwig – membre du CGA-IdF

(1) LES PREMIERS MORTS AUVERGNATS DE LA GUERRE 14-18 de Henri PONCHON « A moi Auvergne » – bulletin n°148 du Cercle Généalogique et Héraldique de l’Auvergne et du Velay.
(2) LES ALSACIENS-LORRAINS DANS LA GRANDE GUERRE de Jean-Noël et Francis GRANDHOMME Édition LA NUÉE BLEUE.
(3) 699 habitants en 1856, 384 en 2020.
(4) 2231 habitants en 1856, 2217 en 2020.
(5) 1735habitants en 1856, 1622 en 2020.
(6) RÉINTÉGRER LES DÉPARTEMENTS ANNEXÉS de Joseph SCHMAUCH Édition des PARAIGES.

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