Intelligence Artificielle et généalogie

La « révolution internet » est loin d’être déjà digérée… C’est l’éternelle querelle des anciens et des modernes ! En témoignent les polémiques récurentes entre les différentes approches des recherches généalogiques. Mais la prochaine révolution est déjà engagée : c’est celle de « l’Intelligence Artificielle », qui promet de grands changements en généalogie comme dans de nombreux domaines de notre activité quotidienne ou professionnelle. Comment l’Intelligence Artificielle (IA) peut-elle être utile pour faire sa généalogie ?

  • La révolution de l’océrisation
  • Intelligence artificielle et transcription des archives généalogiques
  • Intelligence artificielle et aide à la traduction
  • Intelligence artificielle et photographie
  • Intelligence artificielle et biographies
  • Intelligence artificielle et signatures
  • Intelligence artificielle et cartographie
  • Intelligence artificielle et recensements
  • Intelligence artificielle et généalogie génétique
  • Intelligence artificielle et arbres généalogiques
Intelligence artificielle : définition
L’IA désigne la possibilité pour une machine de reproduire des comportements liés aux humains, tels que le raisonnement, la planification et la créativité.
L’IA permet à des systèmes techniques de percevoir leur environnement, gérer ces perceptions, résoudre des problèmes et entreprendre des actions pour atteindre un but précis. L’ordinateur reçoit des données (déjà préparées ou collectées via ses capteurs – une caméra, par exemple) les analyse et réagit.
Les systèmes dotés d’IA sont capables d’adapter leurs comportements (plus ou moins) en analysant les effets produits par leurs actions précédentes, travaillant de manière autonome.

Source : « Intelligence artificielle : définition et utilisation », Actualité Parlement européen (20-06-2023)

Est-ce que l’Intelligence Artificielle peut être utile pour faire sa généalogie ? Voici la réponse de ChatGPT ! (juin 2023)

ChatGPT (de Chat = dialogue en ligne et GPT = Generative Pre-trained Transformer) est une intelligence artificielle conversationnelle lancée en novembre 2022. Elle est capable de générer un texte, à partir d’une question posée, de compléter des phrases, de traduire ou synthétiser des textes, d’écrire des articles, de tenir des conversations… À la question « Est-ce que l’Intelligence Artificielle peut être utile pour faire sa généalogie ? », ChatGPT répond (juin 2023) :

Oui, l’intelligence artificielle peut être très utile pour faire des recherches généalogiques. L’IA peut analyser de vastes bases de données en ligne, des registres historiques et d’autres sources d’information pour vous aider à retracer votre arbre généalogique.

Voici quelques façons dont l’IA peut être utilisée dans la recherche généalogique :

  1. Indexation et transcription automatisées : L’IA peut être utilisée pour analyser et indexer de grandes quantités de documents historiques, tels que des registres paroissiaux, des recensements, des actes de naissance, de mariage et de décès. Cela permet de rendre ces documents facilement accessibles et de faciliter les recherches.
  2. Correspondances de noms et de données : L’IA peut comparer automatiquement des noms et des données pour trouver des correspondances potentielles dans différentes sources. Cela peut vous aider à identifier des liens familiaux et à construire votre arbre généalogique plus rapidement.
  3. Reconnaissance faciale : L’IA peut être utilisée pour analyser des photographies et reconnaître des visages. Cela peut être utile pour identifier des membres de la famille dans des photos anciennes ou pour rechercher des ressemblances familiales entre différentes générations.
  4. Construction automatisée de l’arbre généalogique : en analysant les informations disponibles, l’IA peut proposer des suggestions pour la construction de votre arbre généalogique en identifiant les relations familiales probables. Cela peut vous aider à éviter des erreurs ou des oublis lors de la création de votre arbre.

Cependant, il est important de noter que l’IA n’est pas infaillible et que les résultats peuvent varier en fonction de la qualité et de la disponibilité des données. Il est toujours recommandé de vérifier les informations fournies par l’IA et de les corroborer avec d’autres sources fiables avant de conclure des relations familiales ou des données historiques.

De plus, la recherche généalogique implique souvent des informations personnelles. Il est donc essentiel de prendre en compte les aspects de confidentialité et de sécurité lors de l’utilisation de l’IA ou de tout autre outil en ligne pour vos recherches généalogiques.

Pourquoi se préoccuper d’Intelligence Artificielle, et plus particulièrement dans le domaine de la généalogie ? Les raisons principales sont que nous vivons dans un monde où :
– Nous avons affaire à un nombre énorme et insurmontable de données, que le cerveau humain ne peut stocker.
– Les données proviennent de sources multiples simultanément, parfois désorganisées ou « chaotiques ».
– Les connaissances ont besoin d’être réactualisées constamment et ce en temps réel, avec une extrême précision.

Source : « Généalogie et intelligence artificielle : un nouveau pas dans l’amélioration des usages », Racines Voyages (20-10-2022)

La révolution de l’océrisation :

Le monde des archives est en pleine mutation, depuis le milieu des années 2010, grâce à l’océrisation. La reconnaissance optique de caractères (OCR = Optical Character Recognition) ou océrisation désigne les procédés informatiques pour la traduction d’images de textes imprimés ou dactylographiés en fichiers de texte. La reconnaissance des entités nommées (NER = Named Entity Recognition), permet quant à elle de déterminer si un mot ou groupe de mots est un patronyme, un lieu, une date, un email, etc. Grâce à ces technologies, les services d’archives fournissent un accès de plus en plus performant aux utilisateurs ; le grand public en bénéficie directement par la possibilité de recherches de mots ou groupes de mots au fil du texte, notamment sur Gallica ou Retronews (pour comprendre l’intérêt de l’océrisation pour le généalogiste via l’accès à la presse ancienne, lisez l’article du blog Passerelle). L’OCR évolue désormais très rapidement vers la reconnaissance d’écritures manuscrites.

Journée d’étude Association des Archivistes français-École nationale des chartes : « L’intelligence artificielle dans la gestion des données »

Nous avons choisi de nous baser sur les prin­ci­paux piliers du métier d’archi­viste et d’explo­rer les pos­si­bi­li­tés offer­tes par cette nou­velle tech­no­lo­gie dans chacun de ces domai­nes : la ges­tion (col­lecte, tri, indexa­tion), l’acces­si­bi­lité, la com­mu­ni­ca­tion et la pro­tec­tion des docu­ments d’archive, ainsi que leurs exploi­ta­tions dans le cadre de pro­jets de recher­che concrets.

L’intel­li­gence arti­fi­cielle au ser­vice de la des­crip­tion et de la dif­fu­sion des archi­ves. Retour sur des pro­jets conduits dans le réseau des ser­vi­ces d’archi­ves publics.
C’est à partir de 2015 que l’intel­li­gence arti­fi­cielle a com­mencé à être véri­ta­ble­ment uti­li­sée pour trai­ter des fonds d’archi­ves. Notamment, deux tech­no­lo­gies, la reconnais­sance des écritures manus­cri­tes (ou HTR) et la reconnais­sance d’enti­tés nom­mées (NER), contri­buent à renou­ve­ler pro­fon­dé­ment le trai­te­ment des archi­ves, mais aussi leurs moda­li­tés de consul­ta­tion et d’usage. Différents pro­jets conduits dans les ser­vi­ces per­met­tent de mettre en évidence des fina­li­tés variées, qui pro­fi­tent aussi bien aux usa­gers des archi­ves qu’aux archi­vis­tes eux-mêmes. Si les cher­cheurs se réjouis­sent des moteurs de recher­che qui les aident à retrou­ver ins­tan­ta­né­ment, dans le texte même de la source, les termes qui les inté­res­sent, les archi­vis­tes peu­vent quant à eux enri­chir les des­crip­tions archi­vis­ti­ques, en réu­ti­li­sant du texte trans­crit dans leurs inven­tai­res, ou en indexant avec une plus grande faci­lité des enti­tés qu’ils pour­ront ensuite lier à des réfé­ren­tiels. L’intel­li­gence arti­fi­cielle permet ainsi à la fois de remet­tre les archi­ves au cœur même de la recher­che his­to­ri­que et de mieux séman­ti­ser leurs don­nées d’iden­ti­fi­ca­tion.

Intervenant : Jean-François MOUFFLET est conser­va­teur du patri­moine et res­pon­sa­ble de fonds aux Archives natio­na­les (dépar­te­ment du Moyen Âge et de l’Ancien Régime). Il s’impli­que également depuis plu­sieurs années dans des pro­jets de reconnais­sance des écritures manus­cri­tes (HTR), dont actuel­le­ment le projet SIMARA, appli­ca­tion qui vise à conver­tir par intel­li­gence arti­fi­cielle les inven­tai­res manus­crits anciens.

Source : Journée d’étude AAF-École nationale des chartes « L’intelligence artificielle dans la gestion des données », extrait de la présentation du webinar du 4 juillet 2023.

Intelligence artificielle et transcription des archives généalogiques :

  • La première application à laquelle on pense en matière d’aide généalogique est probablement la transcription des actes dont la lecture s’avère difficile. Même si la paléographie est un art qui, pour l’instant, ne peut se passer complètement de la subtilité de l’intelligence humaine, la technologie progresse à grands pas pour aider les archivistes (donc les généalogistes) à augmenter la justesse, la précision, la finesse et la vitesse de transcription. Grâce aux technologies de reconnais­sance des écritures manus­cri­tes (HTR = Handwritten Text Recognition), les archives en ligne proposeront de plus en plus la transcription automatique des documents.
  • De très nombreux projets de transcription d’archives manuscrites sont en cours ; HIMANIS (HIstorical MANuscript Indexing for user-controlled Search) par exemple étudie les registres de la Chancellerie royale des XIVe et XVe siècles. Certains intéressent particulièrement les généalogistes, comme le projet LECTAUREP (LECTure Automatique de REPertoires) pour les registres des actes notariés.
  • Les « simples citoyens » devraient, dans un très proche avenir, pouvoir compter sur des applications accessibles et de bonne fiabilité de transcription. Google Play, par exemple, propose Pen to Print, « première application OCR d’écriture manuscrite à texte convertissant des notes manuscrites numérisées en texte numérique ».
  • La visionneuse IIIF (International Image Interoperability Framework), technologie innovante de traitement et d’affichage d’images numérisées, promet une accélération considérable de la révolution numérique par l’IA. Parmi les multiples fonctionnalités, un zoom surpuissant capable de décrypter les images et les écritures en profondeur et la possibilité de comparaison d’images (voir les explications sur France Archives : IIIF, un outil pour visualiser les archives numérisées, et l’excellent article de l’étude Lorenzo Fontes La visionneuse IIIF : une révolution généalogique en marche). Biblissima propose une impressionnante collection de manuscrits accessibles avec la technologie IIIF, provenant de bibliothèques d’archives du monde entier.
  • La spécificité de la généalogie alsacienne nous confronte à la lecture d’actes et textes en « allemand gothique » : en novembre 2021, nous vous avons présenté Transkribus, plateforme de transcription automatique de textes dactylographiés ou manuscrits en écritures Fraktur, Sütterlin ou Kurentschrift. Son utilisation reste encore complexe et perfectible (l’IA repose sur des méca­nis­mes d’appren­tis­sage ; Transkribus utilise un enrichissement participatif de la base de référence). L’article Transcrire les écritures manuscrites Kurrent et Sütterlin à l’aide d’un moteur de reconnaissance de texte (HTR) – Transkribus sur Hypothèses / Germano-fil vous en apprendra davantage. En attendant les progrès de l’IA, vous pouvez utiliser nos guides de lecture des actes en allemand gothique et les sites et documents d’aide à la transcription de l’allemand ancien.
Derrière la machine, il y a de vraies personnes !
La machine doit « apprendre à lire », il faut mettre en place un code, un algorithme, qui va petit à petit s’enrichir pour « lire » de plus en plus d’écritures variées. Pensez à vos registres notariés ou paroissiaux préférés, à ces curés quasiment illisibles et ces notaires de province reculées dont vous n’arrivez à lire que quatre mots sur cinq ….
Pour que la machine apprenne à lire, il faut lui donner « à manger », c’est à dire du texte manuscrit et sa transcription lettre à lettre exacte – des pages et des pages – dans une écriture aussi claire et stable que possible dans un premier temps. […]
Pour chacun des projets, il faut des moyens humains et financiers importants. Il faut alimenter les machines en textes transcrits, corriger les données transcrites par la machine, encore et encore.
C’est là que le généalogiste va à mon sens intervenir : tout en continuant à transcrire bénévolement des registres paroissiaux, des registres matricules, comme il nous arrive régulièrement de le faire, nous allons pouvoir participer à cette alimentation des machines, quand les différentes archives nous solliciterons.
L’indexation collaborative n’est pas morte, loin de là.
Et la paléographie a de beaux jours devant elle.

Source : « L’intelligence artificielle au service de la généalogie », Brigitte Billard, décembre 2022, Chroniques d’antan et d’ailleurs.

Intelligence artificielle et aide à la traduction :

  • Pour passer de l’allemand au français (ou à une autre langue étrangère pour vous qui êtes loin d’Alsace), les logiciels de traduction, basés sur la langue écrite ou parlée, sont performants et sans cesse améliorés (le dictionnaire Linguee et son traducteur DeepL sont extrêmement efficaces).
  • Dans le cas des recherches généalogiques régionales, on se heurte encore pour certains documents à l’utilisation du dialecte local dont l’orthographe et le vocabulaire varient avec le temps et le lieu (les généalogistes professionnels sont qualifiés pour une aide ciblée). L’IA sera probablement capable prochainement de détecter aussi les variations phonétiques fréquentes en Alsace.
  • Pour la période antérieure à la Révolution française, le généalogiste est évidemment confronté à la traduction des actes paroissiaux en latin. Collatinus-web, version web du lemmatiseur et analyseur morphologique de textes latins, Baobab (boîte à outils de Biblissima). traitement lexical (NB : lemmatiseur = programme qui transcrit des éléments sous forme de lemmes, c’est-à-dire de propositions permettant de conduire à la résolution ; ici, le traitement lexical de la phrase latine permet de la traduire plus facilement).

Intelligence artificielle et photographie :

Qui d’entre nous n’a jamais souhaité pouvoir mettre un nom sur un vieux cliché trouvé dans un grenier ? Si nous avons encore besoin (et c’est heureux) de nos mémoires familiales et de nos interactions humaines pour échanger nos suggestions et nos doutes, il est tout à fait certain que l’IA nous sera d’un grand secours : la démocratisation d’applications simples est déjà en marche !

  • La reconnaissance faciale permet de mettre en évidence des ressemblances notables entre individus d’une même lignée ; elle facilite ainsi le classement des photos de famille dans telle ou telle branche.
  • La reconnaissance faciale permet de comparer les caractéristiques physiques d’un individu à des âges différents ; elle facilite ainsi le suivi d’une même personne sur des photographies d’époques différentes. Elle permet aussi de générer des images faisant apparaître la personne vieillie ou rajeunie (aspect probable).
  • Les outils de colorisation des photos anciennes en noir et blanc, par exemple Palette, sont d’ores et déjà accessibles et rendent le modèle plus vivant.
  • MyHeritage a développé (en février 2021) le service « Deep Nostalgia » capable d’animer des images figées. Cette nouvelle technologie a provoqué un fol engouement sur les réseaux sociaux : en faisant bouger photos anciennes, il est devenu possible de « redonner vie » à vos ancêtres à partir d’un simple portrait ! Vidéo : Deep Nostalgia et vos photos prennent vie avec l’Intelligence artificielle. Que l’on trouve cette application amusante ou dérangeante, on ne peut nier qu’elle soit fascinante et nous rende plus proches les générations passées.
  • MyHeritage encore vient de lancer (juillet 2023) la nouvelle application sur Smartphone Reimagine qui rend accessible à tous le traitement des photos de famille, grâce à la puissance de l’IA : scanner de photos (numérisation à grande vitesse sans besoin de cadrage), amélioration de la netteté, restauration automatique des photos anciennes abîmées (rayures, plis, décoloration), colorisation… et, bien sûr, animation des visages !
  • Dernier né de MyHeritage (août 2023), PhotoDater™ est « un nouvel outil exclusif et gratuit pour estimer la date des photos ». La force de l’IA est ici de s’appuyer sur une base considérable de photos stockées et d’en extraire les principales caractéristiques.
  • L’application Hier et Aujourd’hui de Geneanet permet de superposer les vues d’hier et d’aujourd’hui, pour comparer le cadre de vie de nos ancêtres avec les lieux actuels géolocalisés.
Qu’est-ce qu’un deepfake et quels en sont les risques ?
Un deepfake est un enregistrement vidéo ou audio réalisé ou modifié grâce à l’intelligence artificielle. Ce terme fait référence non seulement au contenu ainsi créé, mais aussi aux technologies utilisées. Le mot deepfake est une abréviation de « Deep Learning » et « Fake », qui peut être traduit par « fausse profondeur ». En fait, il fait référence à des contenus faux qui sont rendus profondément crédibles par l’intelligence artificielle.
Source : « Qu’est-ce qu’un deepfake et quels en sont les risques ? », OCI

Intelligence artificielle et biographies :

En combinant la technologie de modification/animation d’images à celle de la génération automatique de phrases à partir de données généalogiques factuelles (prénoms, patronymes, dates, lieux, etc.), il est désormais à la portée de tous de « faire parler » un ancêtre (célèbre ou pas) pour lui laisser raconter sa propre biographie. Mais il va de soit que les programmes informatiques, aussi subltils soient-ils, n’ont ni votre sensibilité ni l’attachement à vos ancêtres, qui vous font écrire avec le coeur

  • À la suite du succès fulgurant de « Deep Nostalgia », MyHeritage a lancé (en mars 2022) « DeepStory » : « une nouvelle fonctionnalité révolutionnaire qui vous permet de créer des vidéos animées de vos ancêtres racontant l’histoire de leur vie, en utilisant juste une photo et du texte. »
  • Le site Storiiies, créé pour une présentation IIIF en 2017 présente des exemples de narration numérique.
  • Adno est une « application web permettant de visualiser, d’éditer et de partager des récits et des parcours sur des images en ligne, statiques et IIIF » (version beta 0 sortie à Noël 2022, beta 1 en mars 2023). Initialement destinée aux professionnels de l’enseignement, son ergonomie simple la rend accessible au grand public et la technologie IIIF particulièrement performante. Adno est un logiciel libre (gratuit et sans inscription).

Intelligence artificielle et signatures :

L’analyse des signatures de nos ancêtres est d’une grande richesse : elle donne des indications sur leur niveau d’instruction, leur métier, leur santé… L’intérêt de l’étude réside aussi dans la comparaison entre différentes signatures : évolution de la signature d’un individu au cours de son existence, similitudes ou dissemblances entre les signatures des membres d’une même famille, comparaison entre celles d’une lignée… La force de l’IA, à la fois en paléographie et en comparaison d’images (capacité à repérer des différences infimes impossibles à déceller à l’oeil nu) peut être une réelle aide pour tirer des conclusions généalogiques pertinentes.

Exemple de comparatif de signatures qui pourrait être rendu plus performant grâce à un logiciel d’IA approprié. Source : « Les signatures de mes ancêtres WOLF à travers les siècles », Greg Wolf : généalogie & ADN

Intelligence artificielle et cartographie :

Situer nos ancêtres dans leur cadre de vie (environnement domestique, rural ou urbain, local, paroissial, régional, national) est un impératif pour la généalogie. Aucun généalogiste ne peut prétendre rechercher ses ancêtres sans s’intéresser au contexte géographique, dont découlent les contextes climatique, politique, religieux, social, économique… L’étude cartographique est un domaine qui bénéficie de la finesse et de la précision de l’IA.

  • Le formidable outil IGN Remonter le temps permet de comparer photos et/ou cartes à des époques différentes (plan IGN actuel, scan historique 1950, carte d’état major 1866, carte de Cassini XVIIIe siècle), avec une incroyable précision de zoom.
  • Geoportail (IGN) a lancé (en octobre 2022) la base de données topographiques personnalisable BD TOPO®qui permet de superposer des filtres et de choisir des options personnalisées. Le procédé de « tuiles vectorielles » offre facilité et rapidité d’utilisation. Geoportail est aussi accessible par application sur smartphone.
  • Gallica/Cartes donne accès à une collection de « portulans, globes et cartes du monde entier classées par régions » et Numistral/Cartes et plans à la cartothèque de la Faculté de Géographie de l’Université de Strasbourg, avec une grande finesse de numérisation (10 millions de documents numérisés sur Gallica en mars 2023).
  • L’indispensable France Cadastre bénéficie aussi de la profondeur de zoom.
  • La géolocalisation, alliée à une toujours meilleure résolution (qualité) des photos, permet le développement de nombreux projets participatifs (avec une simple application sur smartphone), comme « Sauvons nos tombes » (Geneanet) ou le recensement des bornes de limite de propriété (IGN).
  • Le nouveau site de l’Atlas historique d’Alsace (2023) comporte un moteur de recherche permettant de consulter les cartes répondant à des caractéristiques précises.

Intelligence artificielle et recensements :

Chaque généalogiste sait combien il est fastidieux de parcourir, au fil des rues, les pages d’un registre de recensement, à la recherche hypothétique d’un nom ou d’un indice… Le projet Socface, lancé en janvier 2022 par le Ministère de la culture, vise à « étudier l’évolution de la société française sur un siècle grâce à l’exploitation globale des recensements quinquennaux de la population de 1836 à 1936 ». Ce projet démographique et sociologique majeur aboutira, pour le simple citoyen, à une exceptionnelle base de données, librement accessible en 2025 sur le portail France Archives. « Les recensements numérisés seront transcrits automatiquement et analysés pour constituer une base de données de plusieurs millions d’individus ».

Intelligence artificielle et généalogie génétique :

Je ne m’étendrai pas sur le sujet, d’une part parce qu’il demande des savoirs et compétences que je n’ai pas (certains généalogistes sont spécialisés dans ce domaine), d’autre part parce que les tests ADN à des fins de recherches généalogiques « récréatives » sont encore interdits en France… Mais, s’il est un domaine en généalogie où l’IA a un rôle incontournable, c’est bien celui des recherches ADN. C’est celui où l’on comprend le mieux la force du groupe, tant dans la collecte des données (plus les ADN collectés sont nombreux, plus le résultat individuel est fiable) que dans les interactions entre individus (plus la base de donnée est grande, plus le nombre de cousinages proposés est élevé). C’est aussi celui où les risques déontologiques sont les plus élevés. La généalogie génétique pose le problème de la numérisation et du stockage de données intrinsèquement personnelles, de la publication de données qui concernent non pas un seul individu mais tout le groupe familial, de la divulgation de secrets de famille, etc. Elle cristalise donc les enjeux de l’IA pour la pro­tec­tion des don­nées.

Intelligence artificielle et arbres généalogiques :

Le développement de logiciels de plus en plus performants et les nouvelles fonctionnalités offertes par les Geneanet, Filae, Ancestry, Heredis, MyHeritage et autres… modifient considérablement le travail du généalogiste, amateur ou chevronné (me croirez-vous si je vous dis que, à titre personnel, je travaille encore avec papier, crayon et mon bon vieux classeur ?!)

  • On assiste à une forte contraction du temps et de l’espace ! Le temps d’obtention de réponses à nos demandes et interrogations se réduit au rythme des performances technologiques (ce qui nous rend de moins en moins patients !). La possibilité quasi-généralisée de recherches à distance, via la mise en ligne d’innombrables archives numérisées, gomme de plus en plus la notion d’éloignement.
  • Des fonctionnalités toujours nouvelles permettent (en théorie) une plus grande fiabilité des données stockées : vérification de la concordance et de la pertinence des dates, rattachement à votre arbre généalogique des actes d’état civil (d’où possibilité de vérification immédiate des données), transcription automatique des actes (d’où authentification à coup sûr par comparaisons instantannées)…
  • Le rapprochement automatique entre les données présentes sur votre arbre généalogique et celles trouvées sur des supports numérisés accessibles sur Internet (journaux, faire-parts, publications de toutes sortes) permet d’enrichir considérablement les généalogies en donnant corps aux individus qui la composent (facilité à retracer les itinéraires de vie).
  • La distinction entre saisie de notre propre arbre généalogique et partage des données avec d’autres a tendance à se réduire, tant les sites spécialisés incitent à l’échange de données d’arbre à arbre (Comparer votre arbre, c’est gagner des ancêtres !). On en vient à se poser la délicate question de l’évolution vers un unique arbre généalogique géant et collaboratif…
Arbres en ligne : attention, l’IA propage aussi les erreurs à grande vitesse !
Attention aux arbres en ligne qui vous proposent des correspondances.
Leurs nouvelles intelligences artificielles qui font les recherches et des propositions ont des fantaisies qui risquent de rendre vos arbres inexploitables.
Une notice renvoyant à mon AAGM acceptée a soudain déménagé Dornach de Mulhouse à Soleure dans tout mon arbre. De même le 10ème arrondissement de Paris est devenu un Entrepôt et le 16ème a migré de l’Ouest au Sud pour atterrir à Montrouge. Je vous laisse imaginer le casse-tête pour tous ceux qui voudraient se référer à cet arbre pour poursuivre leurs recherches !

Source : Joëlle Lasserre sur le groupe Facebook Généalogie Alsace , Section de Sélestat, Vallées et Vignoble

En guise de conclusion… Je ne prétends pas avoir ici épuisé tous les domaines où l’intelligence artificielle peut (ou pourra) venir en aide aux généalogistes… D’ailleurs, pendant que j’écrivais cet article, des millions de pages de journaux ont été océrisés, des centaines de sites d’archives ont mis en ligne de nouveaux documents, des technologies innovantes ont vu le jour… car l’IA est rapide, très rapide ; l’obsolescence est quotidienne et cet article déjà en voie de péremption ! Mais j’espère avoir éveillé votre intérêt au moins sur certains points essentiels :

  • L’IA est une technologie dont on peine encore à imaginer les capacités démesurées ; comme toutes les nouveautés, elle suscite à la fois l’admiration, la curiosité et la crainte… laquelle n’est pas toujours bonne conseillère…
  • L’IA repose sur des méca­nis­mes d’appren­tis­sage. Elle n’a donc de force que par celle du groupe d’humains bien vivants (en chair, en os, en esprit et en âme !) qui contribuent à son élaboration.
  • Au-delà de son utilité pour la généalogie individuelle, l’IA est un outil surpuissant pour exploiter des données sociologiques à l’échelle d’une famille élargie, d’un village, d’une ville, d’une région…
  • Parce qu’elle permet une recherche simplifiée, parce qu’elle est accessible au plus grand nombre, et surtout parce qu’elle est ludique et rapide, l’IA est susceptible d’attirer les plus jeunes générations et de faire naître ainsi de nouvelles vocations de généalogistes !

J’espère surtout avoir soulevé suffisamment de sujets pour sus­ci­ter la réflexion sur les perspectives ouvertes par l’intelligence artificielle dans le domaine de la généalogie et entamer une discussion que je vous propose de poursuivre dans les commentaires de cet article !

Laure Mestre, membre du CGA, section Île-de-France

Et si l’intelligence artificielle nous permettait de reconstituer les archives manquantes ?
Destruction de trésors archivistiques lors du siège de Strasbourg (août 1870) ou de l’état civil parisien dans l’incendie de l’Hôtel de Ville, pendant la Commune (mai 1871)… Comment l’IA peut aider à la reconstitution des archives ?

Philologie et intelligence artificielle au service des manuscrits brulés
L’atelier international « Voir par-delà les flammes : philologie et intelligence artificielle au service des manuscrits brûlés », qui se tiendra les 23 et 24 novembre 2023, à l’École nationale des chartes – PSL, vise à mettre en lumière les dernières avancées en matière de technologie et d’outils de philologie et d’intelligence artificielle pour aider à reconstruire les manuscrits endommagés, partiellement ou totalement détruits par l’action du feu.

Source : Appel à communication Philologie et intelligence artificielle au service des manuscrits brulés, École nationale des chartes (28-07-2023).
Et si l’intelligence artificielle nous permettait de reconstituer les archives manquantes ?

Dernière minute ! À suivre : dans le cadre de la Semaine de la Généalogie organisée par la Fédération Française de Généalogie, le Service historique de la Défense (SHD) de Vincennes propose une conférence de François Touko-Nicheu, chef de Bureau de la Transformation Numérique, intitulée « Les projets innovants sur l’intelligence artificielle ou sur la modélisation 3D ». Elle sera diffusée sur YouTube le mardi 26 septembre 2023 à 15h.

8 commentaires

  1. Merci Laure pour cet article qui montre que l’IA n’est pas seulement une affaire de Copier/Coller comme beaucoup voudraient le croire.
    Pour ma généalogie je souhaiterais par exemple que si je cherche un Jacob Lutz père d’un Hans Lutz à Strasbourg il me les trouve tous à Strasbourg et environs, et me sélectionné celui qui a le bon âge et les bons paramètres en me donnant les raisons de son choix.
    Naturellement on perd le plaisir de feuilleter les pages avec la chance de trouver quelques pépites sans rapport avec notre recherche…

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